Vue de la Réserve fédérale américaine (Fed) à Washington, le 2 avril 2009. | KAREN BLEIER / AFP

L’un des responsables de la puissante Réserve fédérale (Fed), la banque centrale américaine, a annoncé, mardi 4 avril, sa démission après avoir été reconnu qu’il avait violé la confidentialité à laquelle il était tenu dans le cadre de ses fonctions. Jeffrey Lacker, qui présidait l’antenne de régionale de Richmond (Virginie) et qui, à ce titre, était à l’époque membre du Comité de politique monétaire (FOMC), avait commenté auprès d’un analyste en octobre 2012 une décision qui n’était pas encore dans le domaine public.

Le 2 octobre 2012, M. Lacker est ainsi appelé au téléphone par la firme de conseils en investissements Medley Global Advisors. Selon le document publié mardi par son avocat, le président de la Fed de Richmond aurait réalisé au cours de cette conversation que son interlocuteur était au courant que la banque centrale était sur le point de décider une nouvelle vague de rachats d’actifs pour soutenir l’économie américaine. Mais au lieu de couper court à l’échange, M. Lacker a accepté de commenter les informations, donnant ainsi l’impression qu’il confirmait ou qu’il connaissait lui-même les éléments qui étaient évoqués. Facteur aggravant, au cours d’une enquête menée en interne à la Fed en 2012 sur d’éventuelles fuites, il avait omis de parler de cette conversation.

De fait, la note envoyée par Medley Global Advisors à ses clients donnait des détails que seul un initié pouvait connaître à ce moment précis. Son auteur, Regina Schleiger, indiquait ainsi que certains membres du FOMC étaient restés au-delà de minuit pour préparer la réunion où la question des rachats d’actifs a été discutée. Au-delà de l’enquête interne de la Fed, le Federal Bureau of Investigation (FBI) et la Commodity Futures Trading Commission (CFTC), l’agence fédérale chargée de la régulation du marché des matières premières, avaient également lancé des investigations.

« J’ai franchi la ligne »

« Je m’excuse auprès de mes collègues et du public, que j’ai eu le privilège de servir », déclare M. Lacker dans un communiqué.

« Je me suis toujours efforcé de maintenir l’équilibre adéquat entre la transparence et la confidentialité, mais je regrette que, dans ce cas, j’ai franchi la ligne pour confirmer des informations qui auraient dû rester confidentielles. »

Le président de la Fed de Richmond explique que ce n’est qu’en lisant la note de l’analyste qu’il a réalisé son faux pas. « Vu la nature sensible et confidentielle de l’information, j’aurais dû refuser de faire un commentaire et peut-être dû couper court à la conversation téléphonique », a-t-il ajouté.

Cette affaire précipite la fin de carrière de M. Lacker, 61 ans, dont le mandat prenait fin de toutes les façons le 1er octobre prochain. Il a passé vingt-huit ans à la Fed de Richmond, dont treize ans en tant que président. Il était considéré comme un « faucon », c’est-à-dire comme un partisan d’une politique monétaire favorable à une remontée des taux d’intérêt précoce pour contenir l’inflation.

La Fed de Richmond a indiqué que ce serait son vice-président, Mark Mullinix, qui assurerait l’intérim de M. Lacker en attendant de lui trouver un successeur. « Nous attendons de chaque employé qu’il respecte toutes les politiques et procédures pertinentes, ainsi que nos règles de conduite, explique la Fed de Richmond dans un communiqué. Une fois que le conseil d’administration de notre banque a appris le résultat des enquêtes gouvernementales, il a pris les mesures appropriées », ajoute-t-il.

Sans précédent

Il s’agit d’une affaire sans précédent pour l’institution créée en 1913. Certes, le président de la Fed de New York, Steven Friedman, avait dû démissionner de son poste en 2009, mais il s’agissait d’une affaire de conflits d’intérêt suite à des ordres en Bourse qu’il avait passé sur des actions de la banque d’affaires Goldman Sachs.

Concernant la politique de confidentialité, la Fed avait pris en 2011 des dispositions pour limiter les contacts entre les membres du FOMC et les analystes afin justement de ne pas prendre le risque de diffuser des informations confidentielles.

M. Lacker n’était plus que membre suppléant du FOMC. Mais son successeur sera de nouveau membre à part entière du Comité dès 2018. Celui-ci fait actuellement l’objet d’un renouvellement sans précédent. Daniel Tarullo a en effet annoncé en février son départ. Deux autres postes n’ont toujours pas été pourvus, après le refus, fin 2016, du Sénat à majorité républicaine d’avaliser les deux candidats proposés par Barack Obama. Enfin le vice-président de la Fed, Stanley Fischer, doit quitter son poste en juin 2018, tandis que M. Trump a laissé entendre qu’il ne renouvellerait pas le mandat de Mme Yellen, qui, lui aussi, arrive à échéance en 2018.