Sur le plateau du débat de BFM-TV et CNews, rassemblant les onze candidats à l'élection présidentielle à Aubervilliers, le 4 avril. | JEAN-CLAUDE COUTAUSSE/FRENCH-POLITICS POUR "LE MONDE"

Un débat pour rien ? Les craintes évoquées par certains d’un débat à onze se sont révélées justes. Difficile, à l’issue de ces trois heures, ponctuées d’interventions folkloriques, extrêmes, voire surréalistes, de retenir grand-chose des programmes des candidats. Le format a certes donné l’occasion aux compétiteurs situés dans les sondages en dessous de la barre des 5 % de se faire connaître, mais a rendu les propositions des principaux candidats quasiment inaudibles.

La contrainte du temps a obligé les débatteurs à parler fort, vite, et à caricaturer leurs propos. Les confrontations ont été quasi impossibles. Une situation plutôt favorable aux candidats qui stagnent autour de 1 % et qui ont pu se faire entendre, mais du temps perdu pour les autres. Philippe Poutou, le candidat du Nouveau Parti anticapitaliste, a notamment fait un coup d’éclat en brisant la bienséance habituelle relative à l’évocation des affaires concernant François Fillon et Marine Le Pen, tous les deux mis en examen, en les attaquant sans ménagement, les accusant de « piquer dans les caisses publiques ».

Philippe Poutou : « Nous, quand on est convoqués, on n’a pas d’immunité ouvrière »
Durée : 01:45

Comme lors du premier débat, François Fillon et Benoit Hamon sont apparus atones et en retrait, comme si leur dégringolade dans les intentions de vote leur avait fait perdre confiance et qu’ils attendaient que ce moment passe. François Fillon est apparu fatigué et c’est la voix cassée qu’il a répondu sur sa mise en examen en persistant à dire : « Je n’ai pas commis d’erreurs. On a voulu me faire taire, m’éliminer. » Benoît Hamon s’est réveillé en fin de débat sur la question des fonctionnaires dont il a pris la défense. Emmanuel Macron, parfois filandreux et flou lors du premier débat, a gagné en synthèse dans un format plus serré. Il est sorti de l’exercice sans dégâts.

Les tribuns Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen, qui avaient marqué le premier débat par leur aisance oratoire, n’ont pas pu jouer cette partition avec des réponses limitées à une minute trente. La candidate d’extrême droite a repris du poil de la bête au sujet du terrorisme assénant sans nuances : « La France est une université du djihadisme. »

Passe d’armes entre MM. Fillon et Dupont-Aignan

Nicolas Dupont-Aignan, le seul des « petits candidats » à pouvoir espérer passer la barre des 5 % nécessaire pour le remboursement des frais de campagne, a joué son va-tout en étant pugnace. Il s’en est ainsi pris vivement à François Fillon dont il espère récupérer les électeurs déçus.

Une passe d’armes tendue les a d’ailleurs opposés. L’ancien premier ministre, dont la place dans le trio de tête est menacée par la progression de Jean-Luc Mélenchon, ne s’est pas laissé faire. Alors que Nicolas Dupont-Aignan l’accusait d’avoir « bafoué » les Français au sujet de l’Europe, il a rappelé qu’il l’avait connu comme collaborateur de François Bayrou et a ironisé avec une pointe de mépris sur son faible niveau dans les études d’opinion. « Prenez garde à ce que vont décider les Français », lui a lancé M. Dupont-Aignan.

Sur le fond, les candidats hostiles à la finance et aux « puissances de l’argent » se sont révélés très majoritaires, de Nathalie Arthaud à Philippe Poutou, Benoît Hamon, Jean-Luc Mélenchon et Jacques Cheminade. Sur l’Europe également, l’écrasante majorité des candidats se sont montrés eurosceptiques à l’exception d’Emmanuel Macron qui a assumé avoir « l’Europe au cœur » car « elle nous rend fort ».

Parmi les favoris, chacun s’est appliqué à ne pas dévier de sa ligne, Emmanuel Macron en prônant le renouvellement, l’optimisme et en promouvant l’Europe, et Marine Le Pen en étant virulente sur les questions de sécurité, de terrorisme et d’islam et en perdant son sang-froid en s’attaquant notamment à la presse, un de ses classiques.

François Fillon a tenté de se poser en seul candidat ayant la stature de chef d’Etat qui aurait des propositions économiques réalistes et d’être capable de discuter avec Donald Trump ou Vladimir Poutine. Mais l’énergie qu’il avait déployée lors de la primaire de la droite semble loin. « Je suis toujours là », a-t-il assuré sans sembler y croire lui-même.