Daniel Vaillant, à Paris, en 2015. | KENZO TRIBOUILLARD/AFP

Député du 18e arrondissement de Paris, Daniel Vaillant a déjeuné le 27 mars avec Bertrand Delanoë et a consulté Stéphane Le Foll, proche de François Hollande avant d’annoncer, jeudi 6 avril, son soutien à Emmanuel Macron dans un texte que Le Monde s’est procuré. L’ancien ministre de l’intérieur de Lionel Jospin regrette de ne pas avoir été investi par le PS dans la 17e circonscription dont il est le député sortant.

Vous appelez à voter à Emmanuel Macron. Pourquoi ce choix avant le premier tour ?

Daniel Vaillant : Je ne veux pas avoir à choisir entre François Fillon et Marine Le Pen au second tour de la présidentielle. Je ne voudrais pas revivre un « 21 avril 2002 » quand, au soir de l’élimination de mon ami Lionel Jospin au premier tour de la présidentielle, il a fallu appeler à voter Jacques Chirac pour faire barrage à Jean-Marie Le Pen ! Je pense qu’Emmanuel Macron est le plus à même de nous prémunir contre une victoire de l’extrême droite.

Je fais aussi ce choix maintenant car je ne veux pas être confondu avec ceux – comme [le premier secrétaire du PS] Jean-Christophe Cambadélis ou Benoît Hamon – qui risquent de devoir appeler à voter pour lui après l’avoir critiqué pour finalement dire qu’il est préférable à Marine Le Pen. Contrairement à eux, je ne voterai pas Macron par défaut. Je suis sur la même ligne que mon ami [l’ancien maire de Paris] Bertrand Delanoë.

J’ai une appréciation positive de sa vision pour la France et pour l’Europe. Je souscris totalement à sa logique qui veut que les gens qui pensent la même chose agissent ensemble. Je me souviens que François Mitterrand avait inventé « la France unie » en 1988. Ce qui lui avait permis de constituer une majorité présidentielle avec les centristes. A l’époque, les députés PS applaudissaient Jean-Pierre Soisson, ministre centriste du travail dans le gouvernement de Michel Rocard.

N’avez-vous pas le sentiment de trahir votre famille politique ?

Depuis le début des années 2000, le PS affiche une unité de façade et je vis cela comme un malaise. MM. Peillon, Montebourg, Hamon et Mélenchon étaient tous sur une ligne anti-européenne à l’époque. Ils n’ont pas respecté la position majoritaire des militants du parti qui avaient voté à 59 % en faveur du « oui », en 2004, au référendum interne sur le traité constitutionnel européen. Seul parmi les minoritaires « nonistes », Manuel Valls avait pris acte de la volonté des militants et appelé finalement à voter « oui » au référendum organisé par Jacques Chirac en 2005. Même douze ans après, je n’ai pas de leçon à recevoir de ceux qui n’ont pas respecté le choix majoritaire du PS. Je rappelle qu’en janvier, 60 % des électeurs de la primaire n’étaient pas socialistes.

Que pensez-vous de la campagne de Benoît Hamon ?

L’homme, je l’aime bien. Il a été rocardien, jospiniste, aubryste, il était emanuelliste. Il est désormais… hamoniste. Mais cela ne suffit pas à me convaincre qu’il fera un bon président de la République ni même qu’il sera au second tour. Je crains que ce ne soit plus difficile qu’avec d’autres de rassembler un vote anti-Le Pen.

Serez-vous de nouveau candidat aux législatives ?

Redevenir député n’est pas existentiel. Mais j’ai 67 ans et je n’ai pas envie de rester sur le tarmac. Si Hamon est président de la République, je ne serai pas candidat. Si Macron est élu et qu’il arrive en tête dans ma circonscription, il ne faudrait pas qu’un candidat MoDem voire UDI profite de la dynamique présidentielle et gagne avec l’étiquette En marche !.

Pour éviter cela, il est envisageable que je me présente. Je veux tout faire pour garder la 17e circonscription à gauche. A ce jour, je n’ai pas eu de discussion avec Macron au sujet d’une investiture. Je rappelle qu’en décembre 2016, une majorité de militants dans ma circonscription souhaitait que je sois leur candidat. Le parti n’en a pas tenu compte et a investi Colombe Brossel bien qu’elle ait obtenu moins de voix que moi lors de sa désignation par les adhérents. Je ne l’ai pas accepté mais j’en ai pris acte. j’ai estimé que j’avais retrouvé une forme de liberté à l’égard du PS.

Anne Hidalgo ne vous a pas soutenu pour redevenir député ni pour être investi aux prochaines sénatoriales. Vous lui en voulez ?

J’ai vécu comme une ingratitude de sa part une forme de dégagisme à mon égard. Je n’ai pas démérité. Je n’ai de comptes à régler avec personne. Je ne suis pas animé par un esprit de vengeance. Je la soutiens dans sa politique municipale. Je souhaite qu’elle soit réélue. Mais qu’on ne me cherche pas trop !