Marche de protestation contre l’utilisation du glyphosate, présent dans l’herbicide Roundup fabriqué par le groupe Monsanto, à Paris, en mai 2015. | Mal Langsdon / REUTERS

Après avoir inspecté les perturbateurs endocriniens présents dans les cheveux de députés écologistes, l’association Générations futures s’est intéressée aux taux de glyphosate décelables dans l’urine de diverses personnalités. Rendues publiques jeudi 6 avril, les analyses de l’association concernent des individus d’âges différents, végétariens ou non, vivant en ville ou à la campagne.

Le test est sans appel : 100 % des échantillons contiennent du glyphosate, la molécule active de l’herbicide Roundup, produit par la compagnie américaine Monsanto. Cette molécule, présente dans une multitude d’autres produits phytosanitaires, est le pesticide le plus utilisé au monde, surtout en agriculture. On en retrouve des traces dans l’eau et dans l’air ou dans l’alimentation sous forme de résidus.

La contamination moyenne de glyphosate des volontaires est de 1,25 microgramme par litre (µg/l), soit « 12,5 fois la concentration maximale admissible pour un pesticide dans l’eau », selon le rapport de Générations futures. Sa coordinatrice, Nadine Lauverjat, réclame l’application du « principe de précaution » et l’arrêt de la vente de ce pesticide, classé « cancérogène probable » depuis mars 2015.

Une dizaine de personnalités, comme la chanteuse Emily Loizeau, la chroniqueuse Charline Vanhoenacker, ou l’ancien rapporteur pour le droit à l’alimentation aux Nations unies Olivier De Schutter ont joué les cobayes au côté de citoyens lambda. Dans tous les échantillons urinaires, les concentrations de glyphosate sont bien au-dessus des normes autorisées dans l’eau potable…

La valeur la plus importante est 32 fois plus élevée que la valeur la plus petite

Le comédien et animateur Alex Visorek s’en sort le mieux (0,11 µg/l), et c’est l’ancienne ministre socialiste de l’écologie Delphine Batho qui présente le plus fort taux avec 2,4 µg/l. Dans cette étude réalisée dans un laboratoire allemand, la valeur la plus importante est 32 fois plus élevée que la valeur la plus petite.

Générations futures est une adepte des opérations de communication de ce type pour faire entendre ses revendications. Mais pour rendre crédible son étude, l’association de lutte contre les pesticides et les substances chimiques a comparé ses résultats avec ceux d’autres rapports similaires. L’étude Urinale, réalisée en Allemagne sur plus de 2 000 volontaires, effectuée sur 48 eurodéputés en mai 2016, indique des concentrations en glyphosate très proches de celles présentées par Générations futures, avec respectivement une concentration moyenne de pesticide de 1,08 µg/l et 1,73 µg/l. « Malgré notre petit échantillon de trente personnes, on voit bien que le résultat est concordant avec d’autres études, insiste Mme Lauverjat. On est dans une période charnière pour le futur du glyphosate et on s’inquiète de la future position de l’Europe. »

Impasse politique depuis deux ans

Depuis plus de deux ans, la polémique enfle autour de ce pesticide, le plus utilisé dans le monde – il s’en épand environ 800 000 tonnes par an au niveau mondial. Gouvernements, industriels, associations environnementales et agriculteurs polémiquent sur la dangerosité de cette substance.

Les réglementations de l’Union européenne interdisent l’utilisation de pesticides dès lors qu’ils sont considérés comme cancérogènes « certains » ou « probables ». En mars 2015, le glyphosate a été classé cancérogène probable pour l’homme par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), l’agence de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) chargée de répertorier les causes de cancer. Mais, quelques mois plus tard, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) concluait à l’inverse.

En mars, c’est l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) qui, à son tour, a conclu que les preuves n’étaient pas assez fortes pour incriminer le glyphosate. Au même moment, la justice américaine mettait en cause l’indépendance des travaux conduits par l’Agence américaine de protection de l’environnement.

En contre-attaque, soixante ONG européennes ont lancé une initiative citoyenne pour récolter un million de signatures. Elles souhaitent obliger la Commission européenne à statuer sur leurs revendications. « En plus de l’arrêt de la commercialisation du glyphosate, on demande une révision globale de la mise sur le marché des pesticides », indique la coordinatrice de Générations futures.

Faute d’accord entre les Etats membres, la Commission européenne avait décidé de prolonger de dix-huit mois l’autorisation de vente du glyphosate, en juin 2016, en attendant les conclusions de l’ECHA. Bruxelles peut donc choisir de réautoriser le pesticide lors de la présentation d’une nouvelle proposition, fin 2017.