Cinq ans que les vies des salariés de la centrale nucléaire de Fessenheim (Haut-Rhin) sont suspendues à la promesse de François Hollande. En 2012, celui qui était alors candidat à la présidence avait assuré que le site allait fermer durant son quinquennat. Il avait même évoqué, dans un premier temps, la fin de 2016. En réalité, rien ne sera fait avant la fin de son mandat, au début de mai, même si un pas vers une possible fermeture a été franchi jeudi 6 avril, à l’issue d’un conseil d’administration d’EDF.

Cette réunion était convoquée pour décider de la fermeture, ou du maintien, de la centrale. Le dénouement est survenu en fin d’après-midi : le gouvernement ne prendra son décret abrogeant l’autorisation d’exploiter la centrale alsacienne que six mois avant la mise en service du réacteur EPR de Flamanville (Manche), prévue à la fin de 2018-au début de 2019. Ce qui signifie que le décret pourrait être signé au plus tard à la mi-2018. Le « dossier Fessenheim » se retrouvera donc sur le bureau du prochain président de la République.

Chez les 600 salariés des centrales nucléaires françaises, dont 250 de Fessenheim, qui s’étaient rassemblés, jeudi, devant le siège parisien d’EDF pour témoigner leur opposition au projet du gouvernement, on excluait l’éventualité d’un arrêt des réacteurs. « On refuse de se projeter sur la fermeture du site. On reste optimistes malgré tout », assurait ainsi Stéphanie Juge, qui travaille depuis 2013 à Fessenheim.

Le débat sur la fermeture de la centrale a déjà eu un impact sur la vie d’Alain Posez : « J’ai failli acheter une maison il y a cinq ans. » Mais il s’est rétracté, faute de certitude sur le long terme.

Son collègue Laurent Gennerat, employé d’EDF en Alsace depuis vingt-deux ans, est déjà propriétaire. « Mais si la centrale ferme, ma maison va forcément perdre de la valeur. » Sa femme, factrice, serait obligée de le suivre en cas de redéploiement sur un autre lieu de production d’électricité. Sans aucune assurance d’obtenir une mutation sur le même lieu de travail que son mari.

Laurent Gennerat craint que sa femme perde son travail s’il est redéployé sur une autre centrale. | ARTHUR LAFFARGUE / « Le Monde »

Lilian Belzanne appréhende également un possible déménagement qui suivrait la fermeture de la centrale. « Mes trois enfants sont à l’école à Fessenheim. Ça serait difficile pour eux, anticipe le responsable de section. En tant qu’agent EDF je ne perdrais pas mon emploi, mais je serais obligé de me reconstruire une vie sociale. »

Lilian Belzanne confie que la fermeture sera « très compliquée pour la vie de famille ». | ARTHUR LAFFARGUE / « Le Monde »

Tout Fessenheim dépend de la centrale

La CGT rappelle que si 850 personnes sont employées directement par EDF 2 200 personnes dépendent des revenus générés par la centrale de Fessenheim. Dans la manifestation de jeudi, nombreux étaient ceux qui arboraient des tee-shirts noirs mentionnant les « 2 200 salariés sacrifiés ».

Ecoles, médecins, commerces… tous les services publics et privés des communes alentour paieraient le prix d’une fermeture. « Ma femme dirige un salon de coiffure avec sept employés. Si la centrale ferme, elle ferme », assurait, dans les rangs des manifestants, Emmanuel Cherrier, très remonté contre les débats des cinq dernières années, et contre le président de la République : « François Hollande n’est même pas venu nous voir. »

En 2014, une étude de l’Institut national de la statistique et des études économiques établissait que les revenus de 5 000 personnes étaient directement liés à l’activité de la centrale.

En colère aussi, le maire de Fessenheim, Claude Brender, a pris le micro pour exprimer le dépit de son village de 2 400 habitants :

« En ce 6 avril 2017 nous devrions faire la fête pour les 40 ans de la centrale. »

Malgré les « Joyeux anniversaires ! » lancés par les manifestants, aucune des personnes présentes jeudi n’avait l’intention de s’amuser.