Le discours se veut musclé. François Fillon a appelé à des sanctions contre Bachar Al-Assad à la suite de l’attaque chimique attribuée au régime de Damas, deux jours plus tôt dans le nord-ouest de la Syrie. « Utiliser des armes chimiques, c’est un crime de guerre. Il doit y avoir une enquête (…) et à partir du résultat de cette enquête, la communauté internationale doit sanctionner les responsables de cette attaque insupportable et intolérable », a déclaré le candidat de droite, jeudi 6 avril, lors d’une conférence de presse à son QG de campagne.

« On ne peut pas accepter qu’un dirigeant enfreigne les lois internationales comme viendrait de le faire Bachar Al Assad », a-t-il poursuivi, en soulignant toutefois qu’il fallait avoir des « preuves » de l’implication du régime syrien dans ce massacre, avant de le « condamner ».

Si le ton s’est durci, sa position ne change pas sur l’attitude à adopter vis-à-vis du régime syrien. Jeudi matin sur France inter, M. Fillon a réaffirmé son souhait de « parler avec les Russes, les Iraniens et les Turcs » pour « essayer d’éliminer Bachar Al-Assad et organiser la transition ». Autrement dit, M. Fillon conditionne toujours le départ du dictateur syrien à un accord de Moscou. Or, depuis le début du conflit, Vladimir Poutine n’a jamais cessé de soutenir son allié de Damas. C’est encore le cas après le massacre attribué à l’armée syrienne dans le nord-ouest du pays.

Le candidat de droite, qui a de nouveau appelé à un changement de stratégie de la diplomatie française, juge qu’un dialogue avec Moscou est le seul moyen de « ne pas rester spectateur de massacres qui durent depuis six ans » en Syrie. « Cela fait six ans que les observateurs et les responsables occidentaux expliquent que le régime de Bachar Al-Assad va tomber. Cela fait six ans qu’il est debout et que les massacres se poursuivent. C’est donc que notre diplomatie et notre stratégie n’ont pas été extrêmement clairvoyantes », a-t-il regretté.

Quant à l’hypothèse d’une intervention militaire occidentale contre le régime de Bachar Al-Assad, M. Fillon s’y est dit farouchement opposée, au motif qu’elle risquerait « d’aboutir au même résultat qu’en Irak ».

Charge lourde de Juppé

La position de M. Fillon vis-à-vis de Bachar Al-Assad dépend donc de celle de la Russie. Au grand dam d’Alain Juppé. Pendant la campagne de la primaire de la droite, le maire de Bordeaux avait reproché à son rival « une complaisance excessive » envers le président russe, l’accusant de « prendre ses ordres à Moscou ».

L’ex-ministre des affaires étrangères prône une relation plus musclée avec Moscou. Il déplore que M. Fillon soit trop lié à Poutine, ce qui l’amènerait à ne pas être assez résolu sur le départ du dictateur syrien. « Les tenants de la realpolitik vont-ils encore oser nous expliquer que le régime de Bachar Al-Assad est un partenaire fréquentable ? », a demandé Alain Juppé, le 5 avril, sur Twitter, suite à l’attaque aux armes chimiques en Syrie.

Une charge lourde en direction de M. Fillon, qui avait assuré pendant la campagne de la primaire qu’il n’y avait « pas d’autres choix » que de se « tourner vers les Russes et le régime syrien pour éradiquer les forces de l’Etat islamique ». Il avait aussi jugé nécessaire « de rouvrir au moins un poste diplomatique pour avoir un canal de discussion avec le régime syrien ». Un tournant symbolique, alors que Paris avait décidé, en mars 2012 – quand M. Fillon était premier ministre – de fermer son ambassade et de rompre les relations avec le « boucher de Damas ». Un changement qui avait valu à M. Fillon les félicitations de Bachar Al-Assad. Le 9 janvier, ce dernier avait qualifié la position du candidat du parti Les Républicains sur la Syrie comme « une très bonne chose ».