Documentaire sur Netflix à la demande

Five Came Back | Official Trailer [HD] | Netflix
Durée : 02:16

C’est un des piliers de la légende hollywoodienne : la mobilisation des professionnels du cinéma pendant la seconde guerre mondiale. Venus d’un côté de la caméra, il y eut ­James Stewart aux commandes de son bombardier B24 Liberator, Robert Montgomery à la barre de son PT Boat… Five Came Back (« Cinq en sont revenus »), le documentaire de Laurent Bouzereau, s’intéresse à un quintette venu de l’autre côté, cinq réalisateurs qui servirent ès qualités dans les forces armées américaines : Frank Capra, John Ford, John Huston, George Stevens et William Wyler.

Il faut trois épisodes d’environ une heure au réalisateur américain d’origine française pour démêler les itinéraires chaotiques de ces cinéastes qui se lancèrent dans la bataille alors que, à l’exception de Huston, leurs âges leur auraient permis de rester à l’arrière. C’est que, pour fondre les destins de John Ford, qui, pro­bablement mû par le remords de n’avoir pas combattu pendant la première guerre mondiale, commença à mettre sur pied une unité cinématographique navale avant même le bombardement de Pearl Harbour en 1941, et de John Huston, dandy cosmopolite plutôt ­pacifiste, il faut un creuset hors du commun. C’est la guerre qui a permis l’alignement d’hommes aussi différents que Capra, longtemps admirateur de Mussolini, et Wyler, le juif alsacien qui avait pleinement conscience de la nature des régimes que les Etats-Unis allaient affronter.

John Ford's "The Battle of Midway" (1942) Digitally Restored Color
Durée : 18:11

Laurent Bouzereau, spécialiste des making-of (il a beaucoup travaillé avec Spielberg), détaille avec pédagogie la personnalité de ses héros (car ils furent tous, à des ­degrés divers, héroïques) et leurs faiblesses : la gigantesque cuite qui mit John Ford hors de combat au lendemain du 6 juin 1944, les compromissions politiques de ­Capra, producteur d’un film antijaponais d’un racisme inouï, les ­libertés que prit Huston avec la réalité en reconstituant, quelques jours après l’affrontement, la bataille de San Pietro.

La voix de Meryl Streep guide le spectateur, mais aussi les commentaires et réflexions des héritiers désignés de chacun des personnages : Steven Spielberg pour Wyler, Francis Ford Coppola pour Huston, Lawrence Kasdan pour George Stevens, Guillermo del Toro pour Capra. Le dispositif est pesant et le premier épisode peine à se mettre en branle. Comme toute machine de guerre efficace, il produit ensuite les effets désirés, surtout lorsque les cinéastes contemporains analysent l’effet que l’expérience du conflit a eu sur leurs aînés. Il n’est pas besoin d’extraits d’Il faut sauver le soldat Ryan pour mesurer l’intimité du lien qui unit Spielberg (ou n’importe lequel de ses collègues ici mobilisés) à Wyler et à tous les ­cinéastes de cette génération.

Memphis Belle - Trailer
Durée : 01:34

Netflix, qui, depuis son lancement en France, ne s’est pas distingué par sa fibre patrimoniale, se rachète en mettant en ligne les films que les cinq hommes ont tournés pendant et juste après le conflit. C’est l’occasion de voir Memphis Belle, tourné par Wyler à bord d’une forteresse volante envoyée bombarder Wilhelmshaven en 1943, ou La Bataille de Midway, qui plaça John Ford sur la trajectoire des bombes japonaises en 1942. Les cinq courts-métrages de propagande produits par Capra à l’enseigne de Pourquoi nous combattons sont aussi disponibles. Ils permettent de faire l’expérience directe d’un des thèmes du film de Bouzereau : ce mélange intime de documentaire immédiat et d’« entertainment » qui a fait la spécificité du discours américain.

Five Came Back, de Laurent Bouzereau (EU, 2017, 3 × 60 min).