Marie Gillier, abstentionniste, votera pour le candidat choisi par Hamze Ghalebi, réfugié politique iranien, même si ce vote ne correspond pas à ses idées… | Camille McOuat pour M Le magazine du Monde

Voter à la place d’un résident étranger qui n’a pas le droit de le faire, plutôt que de s’abstenir ? L’idée peut sembler farfelue, pas franchement dans l’esprit des institutions. Mais à quelques semaines de l’élection présidentielle, elle a réuni une petite poignée d’ardents militants, qui tentent de s’organiser.

Hamze Ghalebi est un réfugié politique iranien. En Iran, il a travaillé auprès de l’ancien premier ministre Moussavi, notamment pendant la campagne présidentielle de 2009. Une élection qui s’est soldée par une crise politique contraignant Hamze à l’exil : « Mon effort pour défendre le vote m’a amené dans un pays où je n’ai pas le droit de voter », déplore-t-il, aujourd’hui consultant pour les sociétés françaises qui veulent s’installer en Iran. Cette situation, explique-t-il, est pour lui une souffrance : « J’ai besoin de sentir que je fais partie de la société où j’habite, où je travaille et paie des impôts… sinon je me sens comme un invité. »

« Donner ma voix à un réfugié est un acte politique que je considère plus fort que de voter. » Marie Gillier, doctorante en sociologie

Au fil des discussions avec ses amis français abstentionnistes, il élabore l’idée du collectif Alter-votants, créé en janvier 2017. L’objectif ? « Mettre en relation des Français déçus du système électoral ou indécis et des étrangers vivant sur le territoire, qui ne disposent pas de ce droit pour les élections présidentielles et législatives 2017 », indique Rachel, 27 ans, l’une des initiatrices du projet. Pour trouver sa moitié, il suffit de remplir un bref formulaire en ligne. Les deux parties sont ensuite associées en fonction de leur profil et de leurs envies, l’échange qui suit pouvant aller du simple débat à l’engagement pour un vote commun. À ce jour, il n’y a pas eu de raz de marée. Seuls 30 binômes ont déjà été constitués.

Cette nouvelle espèce de vote par procuration ne s’annonce pas toujours, pour ceux qui vont se rendre aux urnes pour d’autres, sans douleur. Le 23 avril 2017, Marie Gillier, 24 ans, doctorante en sociologie, glissera dans l’urne un bulletin au nom d’Emmanuel Macron, le candidat préféré de son binôme Hamze Ghalebi. Un choix pourtant éloigné de ses propres convictions politiques, mais qu’elle assume : « Bien qu’ils contribuent à la société, montent des projets, les étrangers ne sont pas reconnus. Donner ma voix à un réfugié est un acte politique que je considère plus fort que de voter. Je ne veux pas seulement changer de parti, je souhaite faire avancer la société. »

Vidéo : Pourquoi devenir alter-votant

Pourquoi devenir alter-votant.e !
Durée : 02:20

Par Pauline Bandelier