Des membres du collectif 500 Frères à Cayenne, Guyane, le 7 avril. | JODY AMIET / AFP

Le collectif « Pou La Gwiyann dékolé », qui pilote le mouvement social agitant la Guyane depuis bientôt trois semaines, a reculé dimanche 9 avril sur le blocage « total » du département qu’elle annonçait pour lundi, une mesure très critiquée au sein de la population.

Si tous les véhicules, à l’exception des engins d’urgence, seront bien empêchés de franchir les barrages érigés dans les villes, « on ne peut pas aujourd’hui faire des blocages pour empêcher les piétons, les vélos et les scooters de passer », a reconnu Olivier Goudet, un porte-parole des « 500 frères contre la délinquance », interrogé par des journalistes.

Samedi, un membre du collectif avait ainsi annoncé la « fermeture totale jusqu’à nouvel ordre » des barrages à partir de dimanche minuit, même pour les personnes voulant passer « à pied », « à moto » ou « à vélo ».

Mobilisation anti-barrages

La Guyane connaît depuis plus de deux semaines un mouvement social marqué par des revendications sécuritaires, sanitaires et éducatives. Une « grève générale illimitée » a été décrétée le 25 mars, paralysant l’activité économique. Le blocage du port de Cayenne provoque des pénuries, notamment de produits frais.

L’annonce du blocage total des barrages, jusqu’alors gérés avec une certaine souplesse, avait provoqué la mobilisation des opposants à la poursuite du mouvement.

Le contrôle des barrages s’était fait jusqu’alors avec une certaine souplesse. Son durcissement a suscité de nombreuses réactions sur les réseaux sociaux, où un fossé semble apparaître à propos du maintien du blocage. « Il n’est pas tolérable de se voir refuser le droit de circuler librement sur le territoire. (…) Une partie de la Guyane a peur de s’exprimer », affirment les signataires d’une pétition en ligne qui a recueilli plus de 1 800 paraphes. Plus de 2 000 internautes faisaient partie dimanche d’un groupe Facebook intitulé « Stop aux barrages en Guyane ».

La ministre monte le ton

La ministre des Outre-mer Ericka Bareigts a demandé dimanche au collectif de « lever les derniers barrages ». « Les enfants doivent pouvoir retourner à l’école dans un environnement apaisé. (...) L’économie guyanaise ne peut être ainsi fragilisée plus longtemps », a-t-elle déclaré lors d’une déclaration depuis Paris retransmise sur Guyane première.

La Fédération du bâtiment et des travaux publics en Guyane, qui s’est dite « prise en otage », a demandé à l’Etat d’« assurer sa mission de service public » en permettant la libre circulation sur le territoire. « D’ores et déjà, nous étudierons la possibilité de recourir au Plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) », a observé cette fédération, dans un communiqué.

« En continuant, on enlise davantage la Guyane », a regretté Franck Louison, un cadre pour la Guyane de la Fédération des très petites entreprises (FTPE), qui s’est retirée du collectif vendredi. Au moins 50 TPE vont d’ores et déjà « mettre la clé sous la porte » du fait de la crise actuelle, a-t-il ajouté.

Une aide de 2,1 milliards

Le Conseil des ministres a validé mercredi une aide d’urgence de plus d’un milliard d’euros à destination de ce département d’outre-mer sinistré. « Pou La Gwiyann dékolé » réclame 2,1 milliards supplémentaires.

Alors qu’Ericka Bareigts a fait savoir que l’exécutif actuel n’irait pas au-delà, car « il s’agirait d’un engagement sans valeur qui raisonnablement ne pourrait lier le prochain gouvernement », Pou La Gwiyann dékolé a organisé dimanche soir un « meeting d’explication » à Cayenne, auquel des centaines de personnes ont assisté.

« Des gens m’appellent et me disent je n’ai plus de gaz. C’est pas grave ! On fera la cuisine au charbon », a plaisanté sur scène Monique Guard, une militante féministe très connue en Guyane membre du collectif. « Le combat va être encore long », a-t-elle assuré. « On voit qu’il y a moins de monde ce soir et que les gens commencent à s’essouffler. 90 % de mes amis m’ont lâché. Mais j’y crois », a remarqué Jean-Charles, plombier, présent dans le public.

Comprendre la situation en Guyane en trois minutes
Durée : 02:59

Des heurts étaient survenus vendredi après-midi devant la préfecture de Guyane, où des centaines de personnes s’étaient rassemblées. Plusieurs policiers avaient été frappé et le numéro 2 de la police en Guyane envoyé à l’hôpital. Des gaz lacrymogènes avaient été utilisés pour « extraire » l’officier, selon la préfecture. J’invite chacune et chacun à refuser que ce mouvement se transforme en une escalade de violences », a lancé la ministre des Outre-mer.

Le ministre de l’Intérieur, Matthias Fekl, a « condamné avec la plus grande fermeté les violences commises contre les forces de l’ordre ». La préfecture a annoncé samedi avoir saisi le procureur de la République.

La Guyane est agitée depuis bientôt trois semaines par un mouvement social sur fond de revendications sécuritaires, sanitaires et éducatives. « Pou La Gwiyann dékolé » dénonce également des décennies de sous-investissement chronique de Paris en Guyane.