La journaliste Raphaëlle Besse Desmoulières a répondu aux questions des internautes à propos de la dynamique dont bénéficie le candidat de La France insoumise ces derniers jours.

Emre : Un sondage donne Jean-Luc Mélenchon troisième homme devant François Fillon. Qu’en est-il du sérieux de cette étude ?

Raphaëlle Besse Desmoulières : Pour la première fois effectivement, un sondage a donné M. Mélenchon à la troisième place, devant M. Fillon dimanche. Il s’agit d’une enquête de Kantar Sofres-OnePoint pour Le Figaro, RTL et LCI réalisée selon la méthode des quotas. L’échantillon est de 1 515 personnes. Ce sondage, comme les autres, est à prendre avec prudence mais l’échantillon est jugé représentatif. Il reste maintenant à voir si cette tendance se confirme ou non. Les quinze prochains jours seront à ce titre décisifs pour M. Mélenchon.

Ifig : La Provence dit qu’il y avait 20 000 à 30 000 personnes pour écouter Mélenchon dimanche. Pourriez-vous donner ce chiffre aussi et pas seulement celui des organisateurs ?

Il est très compliqué d’évaluer le nombre de personnes présentes dimanche d’autant que le meeting avait lieu en plein air. J’étais personnellement présente à Marseille. De là où j’étais, la foule était très compacte, le souffle massif et le public débordait sur certaines rues adjacentes au Vieux-Port. Selon moi, il y avait plusieurs dizaines de milliers de personnes et nous indiquons toujours le chiffre des organisateurs. Même si la bataille des chiffres a son importance, il s’agissait d’une démonstration de force.

Kaka : Mélenchon n’avait-il pas fait une percée similaire en 2012 ?

Il est exact qu’à la même époque, en 2012, M. Mélenchon avait connu une percée similaire dans les sondages. Il était monté à 17 % d’intentions de vote et certains instituts le donnaient à la troisième place devant Marine Le Pen. Mais sa fin de campagne a été difficile, il a fait des erreurs et a surtout été rattrapé par le vote utile en faveur de François Hollande face à une remontée de Nicolas Sarkozy dans les sondages. Il a fini avec 11,1 % des voix, un beau score pourtant jugé décevant.

Les conditions, cette année, sont différentes. Comme le rappelle son entourage, le paysage est beaucoup moins bipolarisé qu’il y a cinq ans. M. Mélenchon, qui est apparu pendant le quinquennat de Hollande comme l’opposition de gauche, est parti tôt en campagne, a labouré le terrain et est crédité pour sa constance et sa cohérence. Il a aussi travaillé sur son image pour gommer les traits les plus clivants de sa personnalité. Il ne cherche plus à apparaître comme le « bruit et la fureur » mais comme un candidat qui « rassure ».

Il a enfin su gérer différemment son temps et son énergie, raréfiant sa présence sur le terrain pour faire des « coups » qui marquent l’opinion, comme son meeting avec un hologramme. Il a d’ailleurs prévu de renouveler l’expérience le 18 avril. Il sera ce jour-là en meeting à Dijon et sera représenté par des hologrammes dans six autres villes de France.

Balsa : Est-ce qu’on observe beaucoup de curieux et d’indécis dans les meetings de La France insoumise ? Quels sont leurs commentaires ?

Même si l’affluence aux meetings ne fait pas le vote, le public est généralement très nombreux pour écouter M. Mélenchon. Il est cependant différent de celui qui était présent il y a cinq ans. Il y a bien sûr toujours une base militante acquise au leader de la gauche radicale, qui avait déjà voté pour lui en 2012. Mais on voit aussi arriver de nombreuses personnes qui viennent pour la première fois de leur vie à un meeting.

Certaines sont là pour « voir » le tribun Mélenchon qui arpente la tribune pendant deux heures sans notes, en maniant humour, programme et références historiques. D’autres veulent se faire une idée sur le candidat. Parmi ces personnes, on trouve d’anciens électeurs d’Eva Joly, de François Hollande, des abstentionnistes et même des électeurs de droite ou d’extrême droite.

Lors de sa marche pour une VIe République, le 18 mars entre Bastille et République, une chose m’avait frappée. Si La Marseillaise est toujours chantée à la fin de ses meetings, ce n’est plus le cas pour L’Internationale, un chant révolutionnaire. Ce jour-là, date anniversaire de la Commune de Paris, M. Mélenchon a cependant tenu à l’entonner. Mais il s’est aperçu qu’une partie importante de la foule présente ne connaissait tout simplement pas les paroles… Ce qui montre un renouvellement des personnes présentes.

erwanseb : Un second tour Le Pen-Mélenchon, probable cauchemar de tous les électeurs de la raison et le mien en tout cas, est-il envisageable ?

A priori, le scénario n’était pas celui-là mais je me garderai bien de faire des pronostics. Depuis qu’elle a commencé, cette campagne présidentielle a réservé bien des surprises et tout est possible. Une chose est certaine : ces derniers jours, M. Mélenchon est le seul candidat à connaître une telle dynamique.

Tous les indicateurs sont au vert pour le leader de La France insoumise : de bons sondages, des meetings qui font le plein, un candidat socialiste qui décroche, un contexte marqué par les affaires dans lequel son concept de « dégagisme » prend selon lui tout son sens… Est-ce que cela sera suffisant pour se faire une place au second tour ? Réponse le 23 avril !

Kyrac : Pourquoi Jean-Luc Mélenchon refuse-t-il le dernier débat sur France 2 alors qu’il est sorti grand gagnant des deux premiers débats ? Ce débat pourrait lui permettre de marquer les esprits à trois jours du premier tour…

M. Mélenchon refuse ce débat, notamment pour une question de date. Selon lui, cet événement qui doit se tenir sur France 2 le jeudi 20 avril est trop proche du premier tour de la présidentielle qui a lieu trois jours plus tard. La campagne officielle se termine le vendredi soir à minuit pour les radios et télés et le candidat estime que le délai est trop court pour répliquer pour celui qui serait mis en cause.

Les garanties apportées par la chaîne n’ont pas été jugées suffisantes par ses proches. A priori, il ne devrait pas non plus, pour les mêmes raisons, participer au nouveau format imaginé par France 2 (une suite d’entretiens en direct). Je soupçonne aussi son équipe d’avoir déjà prévu un événement de campagne « surprise » ce jour-là mais ceci n’est que pure spéculation.

Milou : Mélenchon, s’il n’est pas élu, a-t-il prévu de mener la bataille des législatives ?

Il n’a pas évoqué cette possibilité pour l’heure. Mais en 2012, à peine la présidentielle terminée, il avait annoncé sa candidature face à Marine Le Pen à Hénin-Beaumont, dans le Pas-de-Calais, où il essuiera une sévère défaite. On peut imaginer qu’il se relance dans la bataille surtout s’il fait un bon score à la présidentielle. Il pourra ainsi profiter de la dynamique lancée pour tenter de se faire élire député à l’Assemblée nationale, un mandat qu’il n’a jamais exercé. Quant à savoir où il pourrait se présenter, tout est ouvert même s’il a dû tirer les leçons des législatives de 2012.

Louis : Peut-on encore espérer un ralliement de dernière minute de Hamon à Mélenchon étant donné sa remontée dans les sondages ?

Cela semble peu probable, même si Benoît Hamon est en position très délicate, désormais crédité de moins de 10 % d’intentions de vote dans les sondages. Le député des Yvelines reste le candidat du PS, une force politique qui dirige actuellement le pays. Se retirer au profit de M. Mélenchon avant le premier tour de la présidentielle serait un tel aveu de faiblesse que cela acterait l’explosion du Parti socialiste. Et cela placerait M. Mélenchon de fait comme l’acteur incontournable dans la recomposition de la gauche après la présidentielle.