François Fillon en meeting à Marseille mardi 11 avril. | Arnold Jerocki/Divergence / Arnold Jerocki/Divergence

Est-ce le signe que la présidentielle est devenue un match à quatre ? Alors qu’il concentrait ses attaques sur Emmanuel Macron et, à un degré moindre, sur Marine Le Pen, François Fillon étend désormais ses critiques à Jean-Luc Mélenchon. Après l’avoir ciblé pour la première fois dimanche, lors de son meeting parisien, le candidat de droite a poursuivi son offensive contre son rival, mardi 11 avril, lors d’un meeting à Marseille, en le mettant dans le même panier que la présidente du Front national.

« Croyez-moi, ça n’est pas avec le programme communiste de M. Mélenchon et le retour au franc de Mme Le Pen que l’économie française va redémarrer », a-t-il lancé devant plus de trois mille personnes, relativement atones. Avant de poursuivre sur un ton moqueur : « Ces gens-là veulent nous faire croire que “c’est la sardine qui a bouché le port de Marseille”. Cela n’est pas sérieux. »

Son angle d’attaque ? Mettre en avant son statut d’ancien premier ministre et son expérience pour se poser comme la seule alternance crédible. Et faire apparaître, par contraste, ses rivaux comme de supposés irresponsables, qui n’auraient pas conscience des vrais enjeux. Dans cette optique, M. Fillon a mis en avant son projet de « redressement », qui vise à résorber la dette avec des réformes économiques à tonalité libérale, dans l’espoir de discréditer les projets de ses concurrents. En particulier celui du candidat de La France insoumise, qualifié de « démagogue », comme la candidate d’extrême droite et celui d’En marche !.

« Où est l’intérêt national ? »

« C’est facile de promettre, comme Mme Le Pen, la retraite à 60 ans ; c’est facile de promettre les trente-deux heures ; c’est facile de promettre 175 milliards de dépenses nouvelles comme M. Mélenchon ; c’est facile de dire tout et son contraire comme M. Macron… », a-t-il déclaré. Avant d’enchaîner : « Mais où est l’intérêt national dans tout cela, où sont les bases sérieuses de notre redressement économique et social ? Nulle part ! Leur objectif est d’être élu quel qu’en soit le prix, ça n’est pas de redresser notre pays. » Des propos salués par les élus Les Républicains (LR) présents dans la salle, à l’instar du maire de la ville, Jean-Claude Gaudin, des députés Guy Tessier et Valérie Boyer ou encore du président du Sénat, Gérard Larcher.

Dimanche, M. Fillon avait ciblé M. Mélenchon pour la première fois de la campagne, avec le même angle d’attaque : présenter l’ex-sénateur socialiste comme un prétendant à l’Elysée dont le projet serait dangereux pour l’équilibre financier du pays. Se targuant d’être « le seul à vouloir en finir avec le cercle vicieux de la dette publique », M. Fillon, qui s’était déclaré « à la tête d’un Etat en faillite » en 2007, avait lancé : « Chaque année, nous empruntons sur les marchés financiers des sommes colossales pour payer les salaires de nos fonctionnaires, pour financer notre protection sociale et, ce qui est plus absurde encore, pour rembourser nos dettes antérieures ! Mes adversaires font semblant de l’ignorer ou dédaignent ce problème avec outrance, tel M. Mélenchon qui se rêve en capitaine du cuirassé Potemkine, mais qui négociera la ferraille du Titanic. »

Affaibli par ses affaires judiciaires et des révélations sur son train de vie, le candidat de droite a décidé de cibler celui de La France insoumise dans la ville où ce dernier a réalisé une démonstration de force, deux jours plus tôt, en rassemblant près de soixante-dix mille personnes. Même s’il est largement distancé par Emmanuel Macron et Marine Le Pen dans les sondages, M. Fillon dit croire à sa qualification pour le second tour, affirmant être sous-estimé par les « prétendus faiseurs d’opinion ».

Fillon feint de ne pas craindre Mélenchon

Ce sont pourtant les mêmes études qui l’ont convaincu de charger M. Mélenchon, en pleine dynamique depuis une semaine. Au point de talonner l’ancien premier ministre, voire de le distancer dans certaines enquêtes. Après l’avoir dépassé pour la première fois dans un sondage Sofres/Le Figaro publié dimanche, Jean-Luc Mélenchon devance encore François Fillon dans les intentions de vote pour le premier tour de la présidentielle, selon un sondage IFOP-Fiducial pour Paris-Match et Sud Radio publié mardi. Le premier est crédité de 19 % et le second de 18,5 %, loin derrière Marine Le Pen (24 %) et Emmanuel Macron (23 %).

De quoi s’attirer des critiques des soutiens de M. Fillon, qui voit désormais en lui un vrai concurrent qu’il convient de caricaturer, en le repoussant le plus possible à gauche. « On oublie trop que Jean-Luc Mélenchon est un extrémiste. C’est un candidat d’extrême gauche avec des raisonnements primaires, anti-impérialiste, anticapitaliste et antiaméricain », a déclaré le secrétaire général de LR, Bernard Accoyer, lundi, dans un entretien à L’Opinion. Une offensive bienvenue selon Julien Aubert : « Macron et Le Pen sont des candidats hybrides. Une partie de leur programme plaît à nos électeurs, alors que Mélenchon incarne la pure gauche. S’en prendre à lui permet donc de remobiliser notre électorat en réactivant du clivage gauche-droite », analyse le député LR du Vaucluse.

Mais M. Fillon ne veut pas non plus accorder trop d’importance à son nouveau rival, au risque de le faire monter encore un peu plus… Alors, il feint de ne pas le craindre. Mardi, il a dit comprendre « l’enthousiasme romantique et révolutionnaire autour de Jean-Luc Mélenchon », prédisant qu’il ne serait pas au second tour. « J’ai un tout petit peu d’expérience, l’idée qu’une majorité de Français choisissent d’aller vers un communiste (…) je n’y crois pas un seul instant », a-t-il déclaré au Talk du Figaro. Comme si François Fillon tentait lui-même de se rassurer que la menace Mélenchon n’a pas lieu d’être.