Dans un entretien à la chaîne de télévision Mir24, qui émet depuis Moscou sur le territoire de la Communauté des Etats indépendants (CEI), Vladimir Poutine disculpe son allié Bachar Al-Assad de la responsabilité de l’attaque chimique survenue le 4 avril dans la petite ville syrienne de Khan Cheikhoun, dans laquelle plusieurs dizaines d’habitants ont péri.

« Où sont les preuves de l’utilisation par l’armée syrienne de l’utilisation d’armes chimiques ? Il n’y en a pas », affirme le chef du Kremlin au cours de ce long entretien, prévu pour être diffusé mercredi 12 avril au soir mais dont de larges extraits ont été rendus publics à la mi-journée. Au moment, précisément, où le secrétaire d’Etat américain, Rex Tillerson, commençait les pourparlers avec le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov.

M. Poutine assure ainsi que Damas n’a rien à voir dans les événements qui ont amené les Etats-Unis à lancer leurs premiers missiles sur le territoire syrien. « Tout le monde sait bien qu’à notre initiative, et celle des Etats-Unis, nous avons mené un grand travail pour éliminer les armes chimiques de l’armée syrienne. Les autorités ont exécuté le travail et rempli leurs obligations, pour autant que nous le sachions. Cela a été confirmé par l’organisation appropriée des Nations unies », a-t-il souligné.

« Une mise en scène conçue » à des fins médiatiques

« Si des doutes persistent, a poursuivi le président russe, en proposant le principe d’une enquête, rien de plus simple. Il suffit de venir sur l’aéroport visé par les frappes [américaines] d’où ont soi-disant décollé les avions avec les armes chimiques et de tout vérifier. » Les traces « de poudre », selon lui, ou plutôt l’absence de ces traces, devraient lever ces doutes grâce aux « technologies modernes ». Ou bien, « si nos partenaires nous disent que l’aviation syrienne a attaqué des civils, alors que ces civils autorisent les observateurs de l’ONU à venir sur les lieux ». La veille, le ministère russe avait avancé l’existence de vidéos « fabriquées ».

Cela étant dit, M. Poutine ne voit que deux « scénarios possibles ». Le premier reprend la version très vite avancée par l’armée russe, selon laquelle l’aviation syrienne aurait frappé une « usine clandestine » d’agents chimiques contrôlée par les « terroristes ». « C’est très possible, a déclaré le chef de l’Etat, car les combattants les ont à plusieurs reprises utilisés en Irak (…) tout le monde le sait, mais tout le monde essaie de ne pas faire de bruit autour. » « Donc, ils en ont, et s’ils en ont là-bas, pourquoi ne peuvent-ils pas les utiliser en Syrie ? C’est la même bande », enchaîne le président russe.

Le deuxième scénario esquissé par ses soins relève d’une « provocation » : « une mise en scène spécialement conçue » à des fins médiatiques, afin « d’exercer une plus grande pression sur les autorités légales syriennes ». « Voilà tout », a-t-il conclu.

Au cours de ce même entretien, M. Poutine a estimé à 20 000 le nombre de combattants étrangers dans les rangs djihadistes en Syrie, « dont près de 10 000 proviennent des pays de la CEI » (« 5 000 des pays d’Asie centrale »). La Russie, a-t-il ajouté, pourrait déchoir de la nationalité russe les ressortissants de pays étrangers qui l’avait reçue. C’est pour empêcher le retour de ces combattants dans leur territoire d’origine, a encore expliqué le chef du Kremlin, que l’intervention militaire russe a été lancée en septembre 2015 en Syrie. Et de souligner : « Nous avons fait le bon choix. »