Enfin, François Bayrou entrevoit la possibilité de remporter l’élection présidentielle. Ou, du moins, d’être dans le camp du gagnant. Après deux campagnes présidentielles où il avait choisi le mauvais cheval, Raymond Barre en 1988 et Edouard Balladur en 1995, et trois campagnes en son nom propre où son meilleur résultat l’amènera sur la troisième marche du podium en 2007, le maire de Pau a fait le choix de l’alliance avec Emmanuel Macron. « Le choix d’une certaine abnégation et de la cohérence, puisque c’est le projet que je porte depuis quinze ans », défend le président du MoDem. Cette fois, il est persuadé d’avoir le ticket gagnant.

Mercredi 12 avril, les deux hommes devaient tenir meeting commun à Pau, dans la ville de cœur et d’élection du Béarnais. Ce sera leur deuxième apparition commune après Reims, le 17 mars. Dans la cité du roi Henri IV, le candidat d’En marche ! devrait développer sa conception de la fonction présidentielle et des institutions. Un thème que les deux hommes ont souvent abordé en privé, sur lequel ils partagent nombre de points de vue communs et une vision qui les rapproche.

« Je suis là pour aider »

Malgré leurs différences d’âge, de parcours, d’expériences, le jeune candidat, 39 ans, néophyte en politique et en campagne électorale, et l’ancien député, ministre, multicandidat, chef de parti blanchi sous le harnais, bientôt 66 ans, se sont découvert de nombreuses affinités, plus qu’eux-mêmes ne l’imaginaient. « Curieusement, on s’est tout de suite bien entendu, ce n’était pas écrit », confesse l’aîné, chez qui on sent poindre une certaine admiration – peu courante chez lui – envers son cadet. « Si je compare son affirmation personnelle avec la mienne à son âge, je respecte, note M. Bayrou qui, lui, au même âge, avait hérité du secrétariat général de l’UDF. Il a eu d’abord de l’audace, en lançant son propre mouvement, et ensuite une capacité remarquable à s’affirmer et à se construire. »

Le président du MoDem se rend régulièrement au QG de campagne du candidat, accompagné de Marielle de Sarnez, de Marc Fesneau, le secrétaire général du mouvement, et du sénateur du Rhône Michel Mercier, qui avec son homologue Gérard Collomb a joué un rôle important dans le rapprochement entre les deux personnalités. Mais, habitant tous deux dans la même rue, en vis-à-vis, ils peuvent sans difficulté échanger en privé s’ils en éprouvent le besoin. « Le bilatéral est souvent plus utile que le multilatéral », glisse M. Bayrou.

S’il a toujours soutenu vouloir mettre son « expérience » au service du candidat – « Je suis là pour aider », répète-t-il à l’envi –, le maire de Pau se défend de jouer un rôle de directeur de conscience ou de coach. « D’abord, je trouve qu’il est fort et qu’il progresse, à la fois sur la forme et sur le fond, note-t-il. Il fait preuve d’une véritable pugnacité et, surtout, ce qui me frappe, c’est sa liberté de pensée. »

« Nous gardons notre autonomie »

Décidément, à croire que le biographe d’Henri IV est tombé sous le charme de son nouvel allié. Il n’est pourtant pas si lointain le temps où il ne voyait en lui qu’un « hologramme » et le qualifiait de « candidat des puissances de l’argent ». Désormais, il se fait tout patelin. « Je craignais deux choses, confie-t-il. Qu’il soit “techno”, dans le moule de l’ENA, de l’inspection générale des finances et de Bercy, et qu’il soit formaté par la banque d’affaires. Il n’est ni l’un ni l’autre. C’est quelqu’un qui transgresse. Je suis rassuré depuis que j’ai compris qu’il sortait des sentiers battus. Cela se lit y compris dans ses choix de vie. Mes deux préventions ont été complètement levées. »

Le temps d’un bref passage à Pau, les deux hommes vont donc cheminer ensemble. Jusqu’où iront-ils ? « Nous gardons notre autonomie », prévient le président du MoDem, qui ne veut pas faire de plan sur la comète. Car, en son for intérieur, il sait bien que, même s’il a permis de consolider la candidature de M. Macron, c’est désormais ce dernier qui a toutes les cartes en main. Une éventuelle victoire à l’élection présidentielle les redistribuerait très largement. Aujourd’hui, M. Bayrou est un atout. Il ne faudrait pas que, demain, il devienne le mistigri. En politique, il n’y a pas d’assurance-vie.