Un A380 de la Singapore Airlines dans le ciel de Sydney. | David Gray / REUTERS

Ce n’est pas encore la bague au doigt, mais les deux compagnies se tiennent déjà par la main. Air France et Singapore Airlines ont annoncé, jeudi 13 avril, un accord de partage de codes (un accord de codeshare, dans le jargon des compagnies aériennes). Il pourrait s’agir d’une première étape avant d’envisager une union plus large. Ce type de partenariat va permettre aux deux compagnies d’étendre leur réseau en ajoutant tout ou partie des destinations opérées par l’autre partenaire. En pratique, chaque compagnie commercialise une partie du réseau de l’autre. Un tel accord présente aussi l’avantage d’être totalement indolore financièrement pour les deux compagnies, qui n’ont rien à débourser pour le mettre en œuvre.

Pour cette première approche, les deux nouvelles associées, prudentes, n’ont pas voulu brûler les étapes. L’accord est, dans un premier temps, volontairement limité. Il ne concerne pas toutes les lignes du réseau d’Air France, ni toutes celles desservies par la compagnie singapourienne.

Les deux partenaires avaient tout pour s’entendre. Depuis 2012, Air France cherche le moyen de proposer à ses clients l’accès à l’Australie. Jusqu’à cette date, elle bénéficiait d’un partenariat avec l’australienne Qantas. Un accord rompu lorsque cette dernière s’est alliée pour dix ans avec Emirates, une compagnie concurrente d’Air France. De son côté, Singapore Airlines a besoin d’étoffer son offre à destination de la France et de l’Europe.

« Un gros marché business »

Le rapprochement avec Singapore « va nous permettre d’offrir de très belles connexions à nos passagers en Australie. A Melbourne et à Sydney », se félicite Patrick Roux, directeur général adjoint d’Air France-KLM chargé des alliances. Air France aura aussi accès, depuis Roissy - Charles-de-Gaulle, à trois destinations dans le Sud-Est asiatique, grâce à l’intégration dans l’accord de SilkAir, la filiale régionale de Singapore Airlines. Désormais la compagnie française pourra proposer à ses passagers de rallier Penang et Kuala Lumpur en Malaisie, ainsi que Phuket en Thaïlande. En contrepartie, la compagnie de Singapour pourra commercialiser neuf destinations en Europe, dont cinq en France à Toulouse, Bordeaux, Marseille, Nice et Lyon.

A l’examen, comme le dit un proche du dossier, ce nouveau partenariat semble « gagnant- gagnant » pour les deux groupes. Singapore Airlines agrandit son empreinte en Europe tandis qu’Air France revient en force sur le marché australien. « Un des plus gros marchés en volume », se réjouit M. Roux. Chaque année, environ 130 000 Français se rendent en Australie et près de 35 000 en Nouvelle-Zélande. Selon le directeur général adjoint, « les Australiens sont ceux qui dépensent le plus pour les voyages ». Mieux, l’Australie draine une forte clientèle affaires. « Un gros marché business », pointe M. Roux. Celui qui rapporte le plus aux compagnies aériennes.

Les passagers business n’auraient pas apprécié l’accord entre Qantas et Emirates, qui les oblige à transiter par Dubaï plutôt que par Singapour. « Singapour est un point privilégié notamment par la clientèle des grandes entreprises françaises et européennes », indique M. Roux. Singapore Airlines l’a bien compris qui propose pas moins de 140 vols par semaine, dans les deux sens, vers l’Australie, notamment en A380, l’avion préféré des passagers dans le monde. Mieux, en s’alliant avec Singapore, Air France s’accorde aussi avec une compagnie « aux très hauts standards de services ». Singapore Airlines, en effet, « est la plus récompensée au monde depuis sa création ». Deuxième meilleure compagnie du monde, selon la première édition 2017 du classement du site d’avis et de conseils touristiques TripAdvisor. « Nous étions faits pour nous entendre », se flatte M. Roux.

De très longues négociations

Les négociations auront été longues pour parvenir à cet accord. Elles ont démarré, il y a plus d’un an, sous la présidence d’Alexandre de Juniac, le prédécesseur de Jean-Marc Janaillac à la tête d’Air France-KLM. Depuis des années à la recherche d’un partenariat avec une compagnie asiatique, il voulait quitter la présidence du groupe franco-néerlandais avec la signature d’un accord avec Singapore Airlines. In fine, cet honneur revient au nouveau PDG, M. Janaillac. Pour parvenir à s’entendre, les deux compagnies affiliées à des alliances concurrentes, SkyTeam pour Air France et Star Alliance pour Singapore, ont dû demander des dérogations.

Leur partenariat pourrait n’être qu’une première étape « avant de monter en puissance », souffle un proche du dossier. Dans un second temps, KLM pourrait être intégrée à l’accord. M. Janaillac veut accroître la présence de sa compagnie en Asie là où la croissance du trafic passagers est la plus forte. L’idée serait de créer un pendant asiatique à la société commune qui unit Air France-KLM à l’américaine Delta Airlines sur l’Atlantique Nord. Une alliance plus que profitable, qui génère à elle seule un chiffre d’affaires annuel de 13 milliards de dollars (12,18 milliards d’euros). Une coentreprise juteuse qui fait saliver toutes les compagnies aériennes.