L’expertise des programmes économiques est un passage obligé de la campagne présidentielle, à la fois nécessaire et complexe, puisqu’il doit s’appuyer sur des chiffrages budgétaires dont la cohérence même fait débat entre économistes. L’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), classé à gauche, devait ainsi publier, vendredi 14 avril, son analyse détaillée des propositions des cinq principaux prétendants à l’Elysée.

Bon dernier dans l’exercice – après l’institut Montaigne, un think tank libéral, ou COE-Rexecode, proche du patronat –, l’OFCE a passé au crible les propositions des candidats selon quatre thématiques : le redressement des comptes publics (dette, déficit), qui selon les auteurs « conditionne le respect des engagements européens », le pouvoir d’achat (réduction des inégalités, chômage), la compétitivité des entreprises et la transition énergétique.

Lignes saillantes et angles morts des candidats

Les chercheurs se sont attachés à ne pas mettre en avant un programme plutôt qu’un autre, mais leur analyse fait ressortir les lignes saillantes et les angles morts de chacun. « Cette comparaison permet de mettre en évidence des contradictions dans les programmes économiques des candidats », notent-ils. Ainsi, « François Fillon propose des transferts [financiers] importants des ménages vers les entreprises et l’Etat, [mais] au prix d’une augmentation probable des inégalités et d’une faible réduction du chômage », pointe l’OFCE. En effet, le candidat Les Républicains table sur un taux de chômage de 7 % à l’horizon 2022 (contre 9,7 % en 2016), mais le recul de l’âge légal de départ à la retraite à 65 ans, « qui conduira à une forte augmentation de la population active », et la suppression de 500 000 postes de fonctionnaires rendraient difficile une baisse significative du chômage sur le quinquennat.

A gauche, « le programme de Benoît Hamon choisit un transfert des ménages les plus riches et des entreprises vers les ménages les plus pauvres. Cela réduit les inégalités, mais dégrade le solde public et la compétitivité des entreprises ». Dans le cas de Marine Le Pen, l’OFCE estime qu’une sortie de l’euro annulerait les mesures d’amélioration économiques et sociales promises dans son programme. « Il est difficile de prévoir une réduction des inégalités du fait de la chute probable de l’activité et du fait de l’instabilité financière », indiquent les économistes. Jean-Luc Mélenchon, lui, « choisit un transfert massif de l’Etat et des entreprises vers les ménages les plus modestes » mais « sans tenir compte des contraintes extérieures et de finances publiques [creusement du déficit] ».

Enfin, le programme d’Emmanuel Macron prévoit de baisser les cotisations sociales au niveau du smic, ce qui devrait « accroître l’emploi des salariés les moins qualifiés à court terme ». Les ménages bénéficieront de l’exonération (pour 80 % d’entre eux) de la taxe d’habitation et d’une exonération fiscale sur les heures supplémentaires, mais la « réduction forte de la dépense publique (…) risque de dégrader le soutien au pouvoir d’achat ». Enfin, la hausse de la CSG censée compenser la suppression des cotisations chômage et santé des salariés n’est pas financée en totalité, selon l’OFCE, qui a repéré « une perte fiscale d’environ 10 milliards d’euros ».