Le Royal College of Art, à Londres : une référence incontournable dans le monde de l’art et du design. | CC BY-SA 2.0, commons.wikimedia.org

Tous les pays recèlent quelques pépites qui rayonnent au-delà des frontières et justifient une expatriation académique. Zoom sur quatre écoles européennes d’excellence qui, chacune dans son domaine, valent le déplacement.

Royal College of Art, alchimie londonienne

L’artiste David Hockney, les designers de la collection « PS » d’Ikea, l’illustrateur Quentin Blake, le créateur des aspirateurs Dyson… La liste des anciens du Royal College of Art surprend par sa variété, autant que par le nombre de célébrités qui en sont sorties. Peu connue en France, cette institution londonienne est une référence dans le monde de l’art et du ­design. Elle occupe, depuis trois ans, la première place du classement international QS dans ces catégories – un palmarès qui prend en compte les débouchés des diplômés et la reconnaissance de la formation dans le monde professionnel et académique.

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Son modèle de formation n’a pas d’équivalent en France. C’est est à la fois une université multidisciplinaire (art, design, architecture, communication, mode, ­matériaux), avec des départements de recherche, et un lieu de pratique créative, dans un esprit très fab lab. « Si je voulais nous rapprocher d’une autre institution, ­affirme le recteur Paul Thompson, je dirais le MIT Media Lab », du nom du célèbre laboratoire bostonien du Massachusetts Institute of Technology.

Au catalogue : une vingtaine de masters, du design de produits à l’architecture d’intérieur, en passant par la création textile, la ­bijouterie, l’impression, la critique d’art contemporain, la curation d’exposition ou la communication visuelle. Sa force, c’est de faire travailler tous ses élèves sur des projets interdisciplinaires, dans ses studios dernier cri. « En ce ­moment, je construis un robot qui utilise des éléments d’intelligence artificielle, avec un élève du master design de produits », témoigne Agnès Giannaros, étudiante française en master design de services.

Ainsi, l’alchimie particulière du « RCA » vient, pour beaucoup, du profil de ses étudiants, issus de formations initiales variées (art, informatique, anthropologie, design, biologie…) et âgés, en moyenne, de 28 ans. L’établissement ne proposant que des masters ou des doctorats, tous ont déjà une pratique derrière eux. « Beaucoup de nos élèves arrivent avec un projet entrepreneurial en tête ou une idée créative qu’ils souhaitent mettre en œuvre », remarque le recteur. A l’intersection des disciplines, les concepts prennent vie. Et à la sortie, 45 % des diplômés travaillent à leur compte ou créent leur entreprise.

Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) : l’autre X

Au bord du lac Léman, en Suisse, s’étend le campus de l’EPFL, havre de paix aussi verdoyant que résolument moderne. Symbole de l’école, le Rolex Learning Center, créé en 2010, est une référence pour la plupart des bibliothèques universitaires désireuses de se ­renouveler en learning centers, ­offrant à la fois des salles de travail confortables et connectées, des lieux de repos et de convivialité, des services de restauration et des espaces d’exposition.

Le cadre de vie est loin de constituer le seul atout de cette école qui se hisse au onzième rang du classement universitaire mondial de Shanghaï, et à la deuxième place européenne, dans le champ de l’ingénierie. L’EPFL compte aussi de prestigieux diplômés : l’informaticien inventeur de la souris, Jean-Daniel Nicoud, le président du CNRS Alain Fuchs ou encore André Borschberg, cofondateur de l’avion solaire Solar Impulse.

Vue aérienne de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), en Suisse. | Alain Herzog

Forte de cette réputation, l’EPFL attire de nombreux étudiants ­internationaux. Les Français ­représentent près d’un quart des 10 000 étudiants qui viennent y étudier les sciences, l’ingénierie et l’architecture. La condition pour être admis ? Avoir obtenu un baccalauréat scientifique mention très bien. Reste, cependant, à s’acquitter des frais de scolarité d’environ 1 200 euros par an, auxquels il faut ajouter des dépenses quotidiennes non négligeables, la Suisse étant un pays au niveau de vie particulièrement élevé. En particulier, un logement étudiant coûte en moyenne 650 euros par mois, d’après l’école.

Organisée sur cinq ans, la formation d’abord dispensée en français (l’EPFL se situe en Suisse francophone) intègre progressivement l’anglais et débouche sur un bachelor puis un master of sciences. En ingénierie, le diplôme est reconnu par la Commission des titres d’ingénieurs française.

Ainsi, si l’EPFL est hors du système des prépas, « le rythme est tout aussi soutenu », prévient Pierre-André Besse, adjoint au ­vice-président pour l’éducation. « D’après un sondage réalisé auprès de nos étudiants, ceux-ci ­disent travailler en moyenne 50 heures par semaine. En outre, plus d’un tiers d’entre eux n’obtiennent pas le bachelor, soit parce qu’ils se réorientent, soit parce qu’ils échouent aux examens. »

Dans le cadre d’une pédagogie largement fondée sur des projets, les étudiants sont incités, via des conférences ou des stages, à inter­agir avec les 120 start-up et 20 entreprises présentes sur le campus dans le Quartier de l’innovation.

Institut national supérieur des arts du spectacle (Insas) : la « Bruxelles touch »

En premier lieu, ne pas se tromper sur la prononciation de l’acronyme. L’Insas ne se dit pas « Ine’ssas » mais bien « In-sas ». « Ce sont les Français qui font l’erreur au début », explique Siham Hinawi, amusée. Comme 65 % des élèves de l’école, cette étudiante de 24 ans, en master 1 de réalisation cinéma, vient en effet de l’Hexagone. « Nous avons 80 % de Français qui passent le concours », précise le directeur, Laurent Gross.

Comment expliquer le tropisme de nos jeunes compatriotes pour cette école belge qui propose des formations aussi bien aux ­métiers du cinéma (réalisation, mais aussi scénario, montage…) que du théâtre (interprétation, mise en scène, scénographie…) ? « Aux journées portes ouvertes, j’ai tout de suite ressenti le côté plus humain, moins snob de l’Insas que dans certaines écoles françaises, raconte Siham ­Hinawi. Cela s’est confirmé au moment du concours d’entrée. Face à moi, j’avais des examinateurs qui ne considéraient pas que, si nous échouions, cela ­signifiait que nous étions nuls. »

Laurent Gross confirme que son établissement promeut une ­approche différente des établissements français. « La France a beau être une République, elle reste néanmoins plus monarchique que nous, qui avons un roi ! Le rapport à la hiérarchie, la prégnance du dogme en matière culturelle y restent assez forts. »

insas.be

Ce n’est sans doute pas un hasard si C’est arrivé près de chez vous, de Rémy Belvaux, film coup de poing du début des années 1990, a été réalisé au sein de l’école dans le cadre d’un travail de fin d’études.

Siham Hinawi apprécie cette grande liberté, tout comme le « style Insas » qu’elle définit « très porté par le documentaire » : « Nous sommes encouragés à travailler sur la réalité, sur ce que nous avons vécu. » Autre point positif : la taille humaine de l’endroit qui permet d’établir de véritables relations avec les enseignants. Avant elle, Virginie Efira, Charles Berling, versant interprétation, ou Jaco Van Dormael, Bruno Nuytten, côté réalisation, ont été séduits par l’école.

Collège d’Europe : l’ENA européenne à Bruges

Quand deux anciens du Collège d’Europe se rencontrent, ils ont un sujet de conversation tout trouvé : leur ancienne résidence étudiante. « C’est le sujet ice-breaker par excellence, confie Thomas Pellerin-Carlin, 27 ans, promo 2013. Chacune a un nom et un esprit particuliers. » La vie en communauté entre étudiants de toutes nationalités, tous nourris et logés sur le campus, fait entièrement partie de l’expérience éducative du ­Collège d’Europe.

coleurope.eu

Installé dans la ville carte postale de Bruges, en Belgique (ainsi qu’à Natolin, en Pologne), cet établissement privé est unique en son genre : il a été créé en 1949 pour former une élite politique pour la future Union européenne (UE). Une sorte d’Ecole nationale d’administration européenne, sauf que le Collège ne garantit pas une place dans la fonction publique de Bruxelles. Il permet néanmoins de multiplier ses chances de réussir les concours, et ouvre surtout d’autres portes. Ses anciens travaillent au Parlement européen, dans les grandes entreprises, au sein des représentations nationales auprès de l’UE, ou dans les fondations de Bruxelles. Thomas ­Pellerin-Carlin a, lui, décroché un poste à l’Institut Jacques-Delors, où il traite des questions énergétiques. Son chef, Yves Bertoncini, est un ancien de Bruges.

Car le Collège d’’Europe est avant tout un réseau, avec un ­aspect « club » ­certain, alimenté par l’importante sélection à l’entrée, le tarif élevé (24 000 euros l’année en pension complète), et son puissant ­annuaire d’anciens. Une liste de 10 000 diplômés, qui peuplent les institutions communautaires et les gouvernements.

Seulement 450 élèves en sortent chaque année. C’est ce qui explique pourquoi cette institution, qui ne propose que des masters (droit, économie, politiques européennes…), reste peu connue. Les Français qui s’y inscrivent viennent surtout des Instituts d’études politiques, ou de certains masters universitaires. « C’est une formation de niche. Mais dans la sphère européenne, c’est la référence. Pour un Français qui veut travailler à Bruxelles, c’est une très bonne option », explique Olivier Costa, directeur du département des études européennes.