Des missiles Pukkuksong lors de la parade militaire du 105e anniversaire de la naissance de Kim Il-sung, à Pyongyang, le 15 avril. | DAMIR SAGOLJ / REUTERS

Après le secrétaire à la défense, James Mattis, en février, puis le secrétaire d’Etat, Rex Tillerson, en mars, le vice-président des Etats-Unis, Mike Pence, devait effectuer une visite sous haute tension en Corée du Sud, samedi 15 avril, première étape d’une tournée de dix jours en Asie. Le même jour, une grande parade militaire a célébré à Pyongyang le 105anniversaire de la naissance du fondateur de la dynastie nord-coréenne, Kim Il-sung, l’occasion d’exposer de nouveaux prototypes de missiles balistiques.

La perspective de cet anniversaire avait fait redouter un nouveau test nucléaire ou balistique, des programmes relancés spectaculairement depuis l’arrivée au pouvoir de Kim Jong-un, petit-fils du « président éternel », et entraîné le retour vers la péninsule coréenne du groupe aéronaval du porte-avions Carl-Vinson. Ce bâtiment avait participé à des manœuvres conjointes américaines et sud-coréennes le mois précédent. Et le ton était monté entre les Etats-Unis et la République populaire démocratique de Corée.

Sur la place principale de Pyongyang, samedi, Choe Ryong-hae, un proche conseiller de Kim Jong-un, s’est adressé à la foule et a réitéré son avertissement à Washington : « Si les Etats-Unis mènent une provocation imprudente contre nous, notre pouvoir révolutionnaire répliquera dans l’instant par une frappe destructrice et nous répondrons à la guerre totale par la guerre totale et à la guerre nucléaire par notre style de guerre nucléaire. »

La Chine en appelle à la Russie

Pratiquement tous les jours de la semaine, le président Donald Trump s’était exprimé sur le dossier nord-coréen, le qualifiant jeudi de « problème » qui sera « traité ». Le même jour, il avait assuré dans un message publié sur son compte Twitter avoir « une grande confiance dans le fait que la Chine va très bien s’occuper de la Corée du Nord. S’ils ne le peuvent pas, les Etats-Unis avec leurs alliés s’en chargeront ! »

Le ministre des affaires étrangères chinois, Wang Yi, s’en était ému, assurant avoir « le sentiment qu’un conflit pourrait éclater à tout moment », ajoutant : « Je pense que toutes les parties concernées doivent être hautement vigilantes à l’égard de cette situation. » La Chine souhaite d’ailleurs coopérer avec la Russie pour « contribuer à apaiser au plus vite la situation », a déclaré vendredi soir M. Wang à son homologue russe, Sergueï Lavrov, lors d’un échange téléphonique.

Vendredi, un haut responsable de l’armée américaine, qui s’exprimait sous couvert de l’anonymat auprès de l’agence Associated Press, avait pourtant écarté l’hypothèse d’une riposte militaire à un nouveau test nucléaire ou balistique nord-coréen. Un peu plus tôt, des conseillers importants de l’administration américaine, s’exprimant également anonymement, avaient indiqué avoir mené à son terme un réexamen des options américaines pour parvenir à l’objectif d’une Corée du Nord dépourvue de toute arme nucléaire.

Parade militaire à Pyongyang le 15 avril. | Wong Maye-E / AP

« Non, ce n’est pas si facile »

Commun à toutes les administrations précédentes, cet objectif s’accompagne aujourd’hui d’une « pression maximum ». En l’absence d’une nouvelle stratégie, Washington n’a cependant d’autre choix que de s’en remettre sans surprise à Pékin et espère beaucoup de l’influence qui lui est prêtée sur Pyongyang.

Mercredi, dans un entretien au Wall Street Journal, M. Trump avait raconté avec sa candeur coutumière son entretien avec son homologue chinois, Xi Jinping, reçu en Floride les 6 et 7 avril. Sommé d’être plus pressant à l’écart de son voisin asiatique, ce dernier lui aurait expliqué l’histoire de la Chine et de la péninsule coréenne. « On parle de milliers d’années… et de nombreuses guerres, a rapporté le président. Et après avoir écouté pendant dix minutes, j’ai réalisé que non, ce n’est pas si facile. »

Alors que le Washington Post a assuré jeudi, sur la base d’un rapport de l’Institute for Science and International Security, un think tank basé dans la capitale fédérale, qu’une entreprise chinoise a illégalement collaboré récemment au programme balistique nord-coréen, l’administration américaine semble vouloir intégrer le dossier coréen à un accord global entre Washington et Pékin. M. Trump a d’ailleurs remisé une partie de ses accusations contre la Chine.

L’arme nucléaire, clé de la survie

Le régime nord-coréen est pourtant déterminé. Arrivé au pouvoir en 2011 après la mort de son père, Kim Jong-un a adopté deux ans plus tard une politique qualifiée de « ligne Byungjin » : le « développement parallèle » d’une capacité de dissuasion nucléaire et de l’économie du pays. Les deux objectifs sont a priori irréconciliables : le pays se voit imposer de nouvelles sanctions après chaque essai nucléaire, qui pèsent sur son économie, mais celle-ci tient jusqu’à présent grâce, d’une part aux échanges avec la Chine et d’autre part à la place croissante que le Parti des travailleurs laisse au secteur privé.

Après avoir observé le sort réservé à Saddam Hussein en Irak et à Mouammar Kadhafi en Libye, pays qui n’étaient pas dotés de l’arme nucléaire, le régime nord-coréen considère que cette technologie est la clé de sa survie. De son côté, la Chine juge qu’il en va de son intérêt stratégique de maintenir en vie cet Etat tampon. Environ 28 500 soldats américains sont stationnés en Corée du Sud, et il n’est pas question pour Pékin qu’une réunification sur le modèle du Sud – comme elle s’est faite en Allemagne sur le modèle de l’Ouest – permette à ces troupes de s’installer à sa propre frontière.

La Chine a vivement protesté contre le début d’installation du projet de défense antimissile américain THAAD en Corée du Sud, après les tirs de missiles nord-coréens des derniers mois. Pékin plaide pour une formule prévoyant la suspension des essais nord-coréens en échange de celle des exercices militaires de Washington avec la Corée du Sud.

Les Etats-Unis ne sont pas convaincus, jusqu’à présent, par cette proposition chinoise. Mais ils n’ont pas mis en avant, pour l’instant, une nouvelle stratégie. Le 6 avril, les frappes américaines sur une base militaire syrienne ont permis à Washington de revenir dans le jeu dans cette partie du Proche-Orient, au moins pour un temps, après avoir été marginalisé. Mais la Corée du Nord se révèle être un problème autrement plus redoutable.