C’est la place Victor-et-Hélène-Basch, aussi appelée place d’Alésia, dans le XIVarrondissement de Paris, qui a été choisie pour l’expérimentation. Au milieu de ce carrefour fortement pollué où transitent plus de 72 000 véhicules par jour, une copie de l’antique colonne Morris, ce mobilier urbain typiquement parisien qui faisait office de support d’informations au XIXe siècle, va être transformée en puits de carbone.

Le spécialiste français de gestion de l’eau et des déchets, Suez, est à l’origine de ce projet « inédit », selon son directeur général, Jean-Louis Chaussade, qui a proposé à la mairie de Paris de tester son produit en avant-première. Le but : s’attaquer à la pollution de l’air à l’aide… de microalgues.

Le dispositif s’inspire d’une réaction biochimique naturelle des végétaux : la photosynthèse. Dans une colonne en verre remplie d’eau, des microalgues vont fixer le gaz carbonique présent dans l’air, à l’aide d’un système de ventilation. A l’intérieur de cette sorte d’aquarium, ces organismes vivants composés de chloroplastes vont capter la lumière extérieure et celle créée par des barres de diodes électroluminescentes pour transformer le CO2 en dioxygène. L’air purifié est ensuite expulsé du puits de carbone vers l’extérieur. La start-up Fermentalg, basée à Libourne (Gironde), qui a développé ces micro-organismes, affirme aussi qu’elles sont « capables de capturer le dioxyde d’azote (NO2) » rejeté par les pots d’échappement des voitures. Place d’Alésia, le taux de NO2 dépasse les 40 µg/m3 réglementaires, selon les données d’Airparif.

A force d’aspirer du dioxyde de carbone, ces organismes vivants vont croître et se multiplier. Quand ils seront trop nombreux, le système prévoit d’évacuer la biomasse formée vers la station d’épuration la plus proche, par le réseau d’assainissement. Une fois traitées, les microalgues seront transformées en biogaz puis en biométhane (réseau de gaz naturel) pour chauffer les villes.

Le puits de carbone produit une énergie « verte » réinjectable dans le réseau de gaz selon le principe de l’économie circulaire. | SUEZ

Les travaux ont déjà commencé dans le 14e arrondissement de la capitale. « Le site a aussi été choisi pour faciliter les branchements au réseau d’assainissement », explique-t-on au cabinet de Célia Blauel, adjointe chargée de l’environnement à la mairie de Paris. La future colonne Morris, 4 mètres de haut, 2,5 m de diamètre, contient le bioréacteur d’un mètre cube qui permettra de fixer une quantité de CO2 « équivalente à cent arbres, soit une tonne de CO2 par an », selon le concepteur. Ce qui équivaut à « un aller-retour Paris-Washington en avion ». Pour les quantités de polluants de l’air – dioxyde d’azote et particules fines –, il faudra attendre la fin de l’expérimentation pour avancer des résultats. « On sait que ces microalgues ont la capacité d’absorber ces polluants et globalement tous les oxydes de soufre, mais on ignore dans quelles proportions », développe la chef de projet de Fermentalg, Marina Leterrier.

Présenté pendant la COP21 en décembre 2015, le dispositif a pris forme en janvier, avec un premier test pilote à l’usine de Seine centre du Syndicat interdépartemental pour l’assainissement parisien de Colombes (Hauts-de-Seine). Ce puits de carbone aspire les gaz à effet de serre rejetés par les fumées du four d’incinération des boues de l’usine.

Potentiel énorme des microalgues

Depuis quelques années,