Une étudiante de l’Ecole Nationale Supérieure de Paysage dans le Grand Carré du potager du Roi. | Ecole nationale supérieure de paysage

« Les étudiants qui viennent aux portes ouvertes de l’école nous demandent si nous avons beaucoup de devoirs ! », ironise Mégane Millet-Lacombe. A 22 ans, elle est en master 2 au sein du parcours européen EMiLA (European Master in Landscape Architecture) à l’Ecole nationale supérieure du paysage de Versailles.

Dans cette prestigieuse école, logée dans les bâtiments historiques qui longent le Potager du roi – il existe aussi une antenne à Marseille –, l’enseignement n’a rien de scolaire. D’ailleurs, on n’y parle pas de disciplines ou de matières, mais d’ateliers, autour desquels toute la pédagogie est structurée. Mégane Millet-Lacombe, entrée après un BTS « aménagement paysager », désigne d’un mouvement de bras la grande salle sous les toits, meublée de hautes tables, de quelques armoires métalliques, et remplie de maquettes et de photos collées au mur, au milieu d’un bric-à-brac de papiers et de crayons. « Notre vie est dans cet atelier », dit-elle. Les étudiants y passent au moins deux jours par semaine, et parfois des nuits, à chercher, créer, dessiner, concevoir des projets de plus en plus aboutis, dont certains répondent à des commandes publiques ou privées.

« Le concours d’entrée nous permet de tester l’aptitude à l’ouverture et la ­curiosité des candidats, car c’est cela qui va être développé au cours des quatre années d’études », indique ­Michel Audouy, paysagiste et enseignant à l’école. Ces quatre années sont ponctuées de journées consacrées notamment aux arts plastiques, et de plusieurs voyages sur le terrain. Mégane évoque ainsi avec passion son travail sur le mont Brouilly (Rhône), dans le Beaujolais, à chercher sur le terrain idées et solutions pour aménager et valoriser le lieu, dans le cadre d’un projet ­artistique.

Une discipline artistique

Durant toute la scolarité, des artistes interviennent pour apprendre aux étudiants à appréhender un ­paysage de façon sensible, par exemple à travers la photo ou, plus surprenant, la danse. Le Potager du roi est ainsi tous les ans, lors des Journées du ­patrimoine, le théâtre d’un festival de danse contemporaine. Tant pis pour les Candide qui s’imaginent qu’à l’Ecole du paysage, on apprend à distinguer les plantes ou à planter des ­arbres. Une fois diplômés, certains étudiants se lancent d’ailleurs dans une démarche purement artistique, créant des œuvres autour du ­paysage.

Les deux semestres passés à l’étranger dans le cadre du parcours EMiLA permettent, eux, de croiser les regards sur une discipline à la frontière des arts et de la technique. Après six mois passés à la Gottfried Wilhelm Leibniz Universität de Hanovre, puis six autres mois à la Escola Tecnica ­Superior d’Arquitectura de Barcelone, ­entrecoupés de deux semaines d’ateliers à l’Edinburgh College of Art, ­Mégane confirme la personnalité atypique de l’Ecole de Versailles. « Ici, on est très bons pour élaborer des projets », constate-t-elle. Les disciplines purement techniques sont plus ­approfondies dans d’autres écoles qu’à Versailles. Les écoles du nord de ­l’Europe sont davantage tournées vers l’écologie, alors que les écoles ­italiennes ou espagnoles sont « très liées à l’ingénierie agricole », observe ­Michel Audouy.

Une fois diplômés, les étudiants versaillais trouvent souvent des débouchés dans des agences d’urbanisme ou de paysage, des collectivités locales, des conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (CAUE) ou des parcs naturels. D’autres se mettent à leur compte pour ­démarcher une clientèle privée. Le secteur connaît, comme beaucoup d’autres, des difficultés économiques et les revenus des jeunes paysagistes en début de carrière tendent plutôt à décroître au fil des années. Mais, rappelle Mégane Millet-Lacombe, « on apprend à mener des projets et ce ­savoir est réutilisable partout ».

Se former

Les études menant aux métiers du paysage ont fait l’objet d’une profonde réforme en 2015. Le cycle de quatre ans d’études menant au titre de paysagiste DPLG (diplôme délivré par le gouvernement) ­n’existera plus en 2018. Il est remplacé par le ­diplôme d’Etat de paysagiste (DEP), qui confère le grade de master, après trois années d’études.­ ­L’accès à la formation de paysagiste diplômé d’Etat ­s’effectue sur concours. Celui-ci est ­commun à l’Ecole nationale supérieure du ­paysage ­(sites de Versailles et de Marseille) et aux écoles nationales supérieures d’architecture et de ­paysage (Ensap) de Bordeaux et de Lille, ainsi qu’à l’Ecole supérieure de la nature et du paysage de Blois.

Le concours de recrutement en première année offre deux voies d’accès : la voie externe, ouverte aux ­étudiants de ­niveau bac + 2 ; la voie interne, ouverte uniquement aux étudiants ayant suivi le cycle préparatoire ­d’études en paysage proposé par ­certaines des trois ­écoles autorisées à délivrer le DEP. Les possibilités d’admission directe en deuxième année existent, pour les candidats ­titulaires de 180 crédits ­européens. Dans ces trois écoles, publiques, le coût des ­études s’élève à 1 561 euros par an. Des bourses et des aides ­peuvent être accordées sur dossier.