Frederic Laluyaux, en juillet 2015, aux Etats-Unis. | SCOTT OLSON / AFP

Il est, à 46 ans, l’un des Français les plus célèbres de la Silicon Valley, dont il connaît les vicissitudes. La preuve : il a quitté en avril, « d’un commun accord », assure-t-il, son poste de PDG d’Anaplan, entreprise de logiciels de planification, concurrente d’Excel, qu’il avait intégrée en 2012. Qu’à cela ne tienne, il a déjà rebondi.

Partir aux Etats-Unis était pour lui une obsession depuis ses 18 ans, quand il obtint son baccalauréat C (maths-physique) à Paris. Il s’y rend une première fois, pour un road trip avec un copain, avant de commencer de sages études de commerce dans la capitale, au MBA Institute, une école rachetée depuis par l’Inseec. Il lui faudra attendre 2002 pour s’installer outre-Atlantique, où il a d’abord travaillé pour le géant allemand de l’édition de progiciels SAP. Frédéric Laluyaux quitte ce navire en 2012 pour rejoindre Anaplan, une start-up fondée en 2006 par des ingénieurs avides d’innover sur le marché bien balisé du logiciel de planification en entreprise. Fred, comme beaucoup l’appellent, a piloté son développement exponentiel. La société dispose aujourd’hui de dix-sept bureaux à travers le monde (Chine, Japon, Inde, France, etc.), de plus de 400 salariés et sa valorisation dépasse le milliard de dollars (940 millions d’euros).

Frédéric Laluyaux, lui, a deux nouvelles casquettes : conseiller pour Coatue Management, un fonds d’investissement qui gère 10 milliards de dollars d’actifs, et expert pour les start-up françaises qui cherchent à s’implanter aux Etats-Unis, à travers l’incubateur The Refiners. Parallèlement, il travaille sur un nouveau projet entrepreneurial, qu’il envisage de lancer à la fin de l’année.

Beaucoup de jeunes créateurs de start-up rêvent de la Silicon Valley. Ont-ils raison ?

Pour réussir ici, il faut déjà avoir une base solide en France. Sans cela, c’est très difficile, car le marché est très dur et il faut beaucoup d’argent pour se développer. Surtout, il faut arriver avec l’esprit ouvert. La différence entre la France et les Etats-Unis tient d’abord à la langue : il m’est arrivé de rencontrer des Français extrêmement talentueux que je n’ai pas recrutés parce qu’ils n’étaient pas assez bons en anglais. Au-delà, ce que l’on ne voit pas suffisamment depuis la France, c’est que les marchés sont très régionalisés : la côte Ouest, la côte Est et le Sud n’ont pas grand-chose en commun. Enfin, les codes sont différents et il faut impérativement s’y adapter.

Pouvez-vous citer quelques exemples de ces adaptations nécessaires ?

La rapidité dans le business est importante. Quand vous rencontrez quelqu’un, la personne s’attend à recevoir un mail pour définir la prochaine étape dans la journée… Pas dix jours plus tard ! Votre interlocuteur ne vous attendra pas et sera déjà passé à autre chose. Il faut toujours être orienté vers l’action. La pression est forte dans le suivi des relations.

La ponctualité et le respect du temps sont aussi essentiels. Les Américains, même PDG – c’est l’une de leurs qualités –, sont souvent prêts à ouvrir leur porte aux nouveaux venus pour les écouter ou les conseiller. Mais il faut soigneusement préparer son entretien. Pas question de parler de la famille ou de la météo. Si vous décrochez dix minutes d’entrevue, vous n’en aurez pas une de plus et, pendant ce court laps de temps, vous avez intérêt à être bon…

Comment les start-up ­françaises peuvent-elles ­intégrer l’incubateur ­The Refiners auprès duquel vous êtes expert ?

Cet incubateur a vocation à aider, pendant trois mois, les start-up françaises qui veulent s’implanter en Californie, notamment en les aidant à affiner leur projet. Sur 200 candidatures, nous en avons sélectionné 12. Nous les choisissons sur la solidité du projet, la cohérence avec les besoins du marché, la technologie développée, les critères de qualité du produit. Mais, ne nous le cachons pas, nous sélectionnons aussi les meilleures équipes, les plus motivées. Ici, le chemin est rude, il faut avoir envie de se faire mal ! Développer une start-up dans la Silicon Valley, c’est un peu comme l’entraînement d’un athlète de haut niveau. Il faut être prêt à travailler de longues heures, sept jours sur sept.

Quels sont les profils ­recherchés ?

Un projet d’entreprise sur deux, aujourd’hui, concerne la science des données. Ça tombe bien, les Français sont reconnus pour leurs compétences en technologie, notamment grâce à l’excellent niveau en mathématiques de nos écoles d’ingénieurs. La France propose également des formations de haut niveau en data. Les ingénieurs issus de L’Ecole normale supérieure ou de l’Ecole nationale de la statistique et de l’administration économique (Ensae) sont très appréciés. Le secteur de l’intelligence artificielle est aussi en train d’exploser. En revanche, les étudiants issus des écoles de commerce auront plus de mal à s’imposer, car les jeunes Indiens ou Israéliens sont perçus comme plus accrocheurs. Un jour, un banquier m’a dit, en parlant des hommes d’affaires français : 95 % sont redoutablement nuls et 5 % redoutablement bons ! Je crains qu’il n’ait eu raison…

APB 2017 : « Le Monde » Campus vous aide à vous orienter

Donner à comprendre l’enseignement supérieur et le monde de demain afin d’aider lycéens et étudiants à faire les bons choix d’orientation aujourd’hui, telle est l’ambition du Monde Campus, notamment à travers ses rubriques APB, Etudes supérieures et O21, et son événement O21/s’orienter au 21e siècle, qui a été organisé cette année à Lille, à Cenon (près de Bordeaux), à Villeurbanne et à Paris.

Voici quelques articles particulièrement utiles à l’heure de formuler ses vœux d’études supérieures sur APB (la date limite étant lundi 20 mars, à 18 heures, mais avec des délais supplémentaires pour envoyer les dossiers de candidature et classer ses vœux).

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