Une opération d’évacuation d’habitants de localités assiégées en Syrie a tourné au carnage avec la mort samedi 15 avril de 126 personnes, dont 68 enfants, dans un attentat-suicide, l’une des attaques les plus meurtrières en six ans de guerre.

Samedi, un kamikaze a lancé sa camionnette piégée contre un convoi de bus transportant des milliers d’habitants évacués de Foua et de Kafraya, deux localités prorégime assiégées par les insurgés dans la province d’Idleb (dans le nord-ouest du pays).

L’attaque, qui n’a pas été revendiquée, est survenue à Rachidine, une banlieue rebelle de la ville d’Alep, où avait été bloqué pendant plusieurs heures le convoi en raison de désaccords entre belligérants.

Des bus destinés à évacuer des populations prorégimes incendiés en Syrie
Durée : 00:46

C’est à côté de ces dizaines de bus à l’arrêt que le kamikaze a fait exploser sa camionnette. Au moins 68 enfants figurent parmi les 126 personnes tuées dans l’attentat a fait savoir dimanche l’Observatoire syrien des droits humains (OSDH), ajoutant que le bilan ne cessait de s’alourdir, de nombreuses personnes succombant à leurs blessures.

Les morts sont en grande majorité des habitants de Foua et de Kafraya. D’autres sont des rebelles qui gardaient les bus et des travailleurs humanitaires. Quelques heures après l’attaque, les convois des personnes évacuées ont repris la route pour rejoindre leur destination finale.

Réactions horrifiées de la communauté internationale

Déclenché en mars 2011 par la répression dans le sang de manifestations pour la démocratie, le conflit a fait plus de 320 000 morts, des millions de déplacés et de réfugiés et s’est complexifié avec l’implication d’acteurs internationaux et de groupes djihadistes.

Le régime syrien a accusé les « groupes terroristes », un terme utilisé par le pouvoir pour désigner rebelles et djihadistes, mais l’influent groupe rebelle Ahrar Al-Cham a nié toute implication des insurgés dans l’attentat de Rachidine.

Dans sa traditionnelle bénédiction Urbi et Orbi, le pape François a dénoncé une « ignoble attaque » et appelé à la paix en Syrie, pays « martyrisé » et victime d’une guerre « qui ne cesse de semer horreur et mort ».

Le secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires de l’ONU, Stephen O’Brien, s’est dit « horrifié » par cette attaque « monstrueuse et lâche ». Ses auteurs « ont fait preuve d’une indifférence éhontée pour la vie humaine ».

La France a « fermement » condamné dimanche cette attaque. « Les responsables de ces crimes abjects devront rendre des comptes à la justice », a déclaré le porte-parole du ministère des affaires étrangères.

Difficiles opérations d’évacuation

L’opération d’évacuation, qui concerne également des milliers d’habitants des localités rebelles de Madaya et de Zabadani, près de Damas, a été lancée vendredi en vertu d’un accord entre le Qatar, soutien de la rébellion, et l’Iran, allié du régime.

Plus de 7 000 personnes ont été évacuées vendredi et samedi des quatre localités. Quelque 5 000 personnes de Foua et de Kafraya — civils et combattants — ont atteint Alep, d’où elles choisiront leur destination finale. Les 2 200 habitants évacués de Madaya et de Zabadani ont eux rejoint la province d’Idleb, contrôlée en grande partie par les rebelles.

Il n’était pas clair si l’opération d’évacuation qui devait concerner plusieurs milliers de personnes supplémentaires se poursuivrait dans l’immédiat. Ces dernières années, et après des mois de siège, le régime a proposé des accords d’évacuation similaires, que l’opposition dénonce comme des « transferts forcés » constituant « des crimes contre l’humanité ».