La fin du chantier de gros œuvre vient en ce mois d’avril d’être fêtée autour d’un barbecue avec les ouvriers. Restent plus que les travaux d’aménagement des appartements, du T2 au T6, en tenant compte des désirs des uns et des autres. En fin d’année, les clés des 90 logements situés dans le quartier de La Cartoucherie à Toulouse seront livrées aux locataires ou propriétaires. Ces quatre immeubles constituent le plus important projet d’habitat participatif en France.

Dix-sept appartements seront gérés directement par Abricoop, nouveau nom de la Jeune Pousse, une association qui penchait déjà sur le concept en… 2008. « C’est un projet politique, combattant la ségrégation et se voulant pérenne, qui prend forme », se réjouit Thomas Berthet, l’un des futurs habitants et coprésident de la structure. Il y aura des salles communes, des buanderies, un jardin partagé ainsi que des chambres d’amis, une salle de musique, de petits salons disséminés dans chaque bâtiment. L’ensemble de la copropriété partagera également une salle polyvalente de 135 m2 et un espace bricolage. Le tout décidé lors de nombreux échanges, réunions ou concertations, avec des dispositifs de location ou d’accès à la propritété mis en place.

Concevoir son habitat

Concevoir son habitat, mutualiser des espaces, échanger des services, être son propre promoteur pour contrôler la conception et les prix… le concept de l’habitat participatif monte en puissance, avec 121 projets sortis de terre, une soixantaine en travaux et 220 en gestation. Aujourd’hui, pas un écoquartier ne sort sans une opération de ce type, sous la bienveillance de la collectivité et d’un bailleur social.

Celle de Toulouse est inédite par son ampleur et son processus de partenariats, qui a permis au projet d’arriver à terme et pourrait bien faire école. Sous la houlette de l’Opiddea - aménageur pour Toulouse Metropole – le chantier rassemble depuis 2013 de multiples acteurs : l’office HLM Les Chalets, le cabinet d’architectes GRR, la Jeune Pousse, ainsi que la Société coopérative d’intérêt collectif Faire Ville, assistant maître d’ouvrage. « C’est un processus participatif assez exceptionnel, qui correspond cependant à une maturité des acteurs, à un désir de mode de vie nouveau », commente son président Stéphane Gruet.

Ce processus, visant une certaine autogestion, fait intervenir tous ces acteurs dans des décisions telles que les règles de copropriété, les accès, l’énergie, les espaces communs… « Avec les architectes, cela discute beaucoup plus qu’habituellement, confie Xavier Drien pour Les Chalets. Mais le temps passé en amont, c’est du temps gagné ensuite. »

« Une approche presque banalisée »

Si le turn-over a été de l’ordre de 30 %, certaines familles ayant abandonné en cours de route, ce sont 75 foyers qui sont aujourd’hui certains d’intégrer les logements. Couples avec enfants, familles monoparentales, retraités, personnes isolées… la mixité est bien là, confirmant que ce genre d’habitat peut lutter contre l’entre-soi ou la gentrification. « Après les réunions, les phases de cooptation, cela ressemble à un train qui part et arrive à l’heure, mais [dans lequel] tout le monde descend quand il veut », souligne Hélène Morel, chargée de projet à Faire Ville.

La démarche, également inédite sur une ZAC (Zone d’aménagement concerté), s’intégrera dans un immense écoquartier voulu par la municipalité socialiste précédente et poursuivi par le maire (LR) actuel. « Les élus sont souvent inquiets des aspects expérimentaux trop alternatifs. Le projet de La Cartoucherie les rassure et s’inscrit dans une approche presque banalisée », insiste M. Gruet. Par rapport à un chantier équivalent, l’habitat participatif ne prend en moyenne que six mois supplémentaire, mais avec « des garanties d’usage partagé et de vivre ensemble plus pérennes », évalue Xavier Drien.

Signe d’une certaine difficulté cependant à mener de tels projets, une quinzaine de logements doit encore trouver preneurs.