Le président turc Recep Tayyip Erdogan, à Ankara, le 17 avril. | Burhan Ozbilici / AP

Adoptée avec 51,4 % des voix, dimanche 16 avril, la réforme constitutionnelle voulue par le président Recep Tayyip Erdogan ouvre, selon lui, « une nouvelle ère » dans l’histoire de la Turquie. Elle a commencé, lundi, avec l’annonce de la reconduction pour trois mois de l’état d’urgence en vigueur depuis le putsch raté de juillet 2016. Et le président a d’abord visité, lundi matin à Istanbul, les tombeaux et les mausolées de cinq dirigeants qui ont marqué l’histoire du pays : l’ancien président Turgut Özal, le chef islamiste Necmettin Erbakan, l’ancien premier ministre Adnan Menderes, le sultan Sélim Ier et Mehmet le Conquérant, le tombeur de Constantinople.

Devenu le dirigeant le plus puissant de la Turquie moderne, M. Erdogan ne va pas pouvoir endosser tout de suite ses nouveaux habits. La réforme ne devrait pas être mise en œuvre avant novembre 2019, quand des élections législatives et une élection présidentielle seront convoquées. Mais selon les politologues, le président pourrait être tenté de précipiter la manœuvre.

Reprise en main du pouvoir judiciaire

D’ici à la fin avril, M. Erdogan va reprendre la direction de son Parti de la justice et du développement (AKP, islamo-conservateur) dont il avait démissionné au profit du premier ministre après son élection en tant que président en août 2014. Selon l’ancienne Constitution – issue du coup d’Etat militaire de 1980 –, la fonction présidentielle était largement honorifique. Le président devait rester au-dessus des partis, ce qui n’est plus le cas.

Voué à devenir une simple chambre d’enregistrement, le Parlement va devoir s’adapter au nouveau système en modifiant son règlement intérieur et son mode de fonctionnement. La reprise en main du pouvoir judiciaire n’attendra pas. Dans un mois, le Haut Conseil de la magistrature (HSYK), responsable des nominations, promotions, évictions des juges et des procureurs, sera reconfiguré. Composé de treize membres, il sera présidé par le ministre de la justice, Bekir Bozdag, qui aura tout le loisir de revoir sa composition. Les tribunaux militaires sont supprimés, les juges qui y siégeaient seront affectés vers des tribunaux civils.

L’indépendance des magistrats en Turquie a déjà bien été entamée avec l’éviction de plus de 4 000 magistrats soupçonnés d’appartenir à la mouvance du prédicateur Fethullah Gülen, accusé par Ankara d’avoir fomenté le putsch manqué. Des centaines de juges et de procureurs sont actuellement en prison. En tout, 47 000 personnes (magistrats, militaires, policiers, hommes d’affaires) ont été incarcérées à la suite du coup d’Etat, faisant monter la population carcérale de 127 %. Malgré « la nouvelle ère », les purges vont continuer. « C’est l’affaire de plusieurs années », avait indiqué le vice-premier ministre turc, Numan Kurtulmus avant le scrutin du 16 avril.