Le logo de l’américain MoneyGram, numéro deux mondial du transfert d’argent, devant une banque à Vienne le 28 juin 2016. | Heinz-Peter Bader / REUTERS

Alibaba est plus que jamais décidé à s’emparer du numéro deux mondial du transfert d’argent, l’américain MoneyGram International. La filiale du géant du commerce électronique chinois, Ant Financial, a en effet annoncé, lundi 17 avril, qu’elle relevait de 36 % l’offre faite en janvier aux actionnaires pour la porter à 18 dollars (16,90 euros) par action, valorisant le groupe à 1,2 milliard de dollars (1,1 milliard d’euros). Ant Financial a été poussé à la surenchère par la contre-offre faite un mois plus tôt par l’américain Euronet Worldwide, qui avait alors proposé 940 millions de dollars.

La compétition n’est pas uniquement financière pour Ant Financial, qui doit surmonter aussi les réticences américaines à voir passer sous pavillon chinois une entreprise dans un domaine sensible. Même si l’offre de la filiale d’Alibaba l’emportait, elle devra ensuite obtenir le feu vert du Comité sur l’investissement étranger aux Etats-Unis (CFIUS). Des parlementaires américains ont déjà appelé cette instance à procéder à un examen « complet et détaillé » de la proposition du groupe chinois.

Lobbying d’Euronet

Euronet avait d’ailleurs joué cette carte, soulignant le caractère « clair et beaucoup plus sûr » de son offre, qui ne nécessite pas un accord des autorités américaines. La compagnie avait rappelé détenir déjà les licences nécessaires au transfert d’argent aux Etats-Unis et mis en avant ses bons rapports avec les régulateurs financiers.

Le contexte est délicat pour Ant : depuis son élection à la présidence des Etats-Unis, Donald Trump a adopté une posture protectionniste, notamment vis-à-vis de la Chine. Euronet s’est lancé ces dernières semaines dans un intense lobbying auprès du secrétaire au Trésor, Steven Mnuchin, qui préside le CFIUS, arguant que la prise de contrôle de MoneyGram par un groupe chinois pourrait compliquer les enquêtes des autorités américaines sur d’éventuelles affaires de blanchiment d’argent ou de financement du terrorisme.

Malgré tout, Ant Financial s’est voulu rassurant ces dernières semaines, faisant savoir que « des progrès significatifs ont été déjà réalisés pour obtenir les autorisations nécessaires pour boucler l’opération ». Quelques jours avant la première offre sur MoneyGram, le PDG d’Alibaba, Jack Ma avait rencontré M. Trump, auquel il a promis de créer aux Etats-Unis plus d’un million d’emplois sur les cinq prochaines années. Ant Financial s’est engagé à maintenir le siège de MoneyGram au Texas, à garder la marque et à la développer.

Coup double

La filiale d’Alibaba est d’autant plus confiante que son offre a été unanimement approuvée par le conseil d’administration de MoneyGram, à commencer par ses deux principaux actionnaires, le fonds d’investissement de Boston Thomas H. Lee Partners et Goldman Sachs. « Cette opération avait du sens à 13,25 dollars [le montant par action proposé en janvier par Ant] et elle a désormais certainement autant de sens, si ce n’est plus, pour les actionnaires à 18 dollars », a déclaré Alex Holmes, le PDG de MoneyGram. « Qu’Euronet choisisse de maintenir son offre ou d’en faire une autre, c’est vraiment à eux de décider. »

Michael Brown, le PDG d’Euronet, mène la troisième tentative de rachat de MoneyGram, après celles avortées de 2008 et 2013. Cette nouvelle offre pourrait aussi trouver des obstacles sur sa route avec un examen minutieux de l’opération par les autorités de la concurrence aux Etats-Unis et en Europe.

En s’emparant du numéro deux mondial du transfert d’argent derrière Western Union, Ant Financial ferait coup double : le groupe prendrait pied pour la première fois dans le secteur des paiements physiques et s’offrirait une tête de pont en dehors de Chine. De quoi augmenter un peu plus la valeur du groupe (estimée à 75 milliards de dollars en septembre 2016 par la maison de courtage CLSA), qui prévoit de s’introduire en Bourse dans les prochains mois.