La vente de nourriture dans la rue (« streert food ») fait partie du charme de Bangkok, la ville la plus visitée au monde, avec 21,47 millions de visiteurs en 2016. | LILLIAN SUWANRUMPHA / AFP

La Thaïlande ne veut plus voir de stands de vente à la sauvette dans les « grandes avenues » de sa capitale, Bangkok. Le gouvernement vient d’annoncer l’interdiction de tous les petits marchands ambulants qui commerçaient sur le bitume, y compris ceux vendant de la nourriture urbaine (aussi connu sous le nom « street food ») qui a fait la réputation de la ville. Soupes de nouilles, brochettes de viande grillée et pad thaï seront toujours vendus sur des stands, mais dans un espace loué à cet effet.

Le gouvernement veut que les vendeurs de rue aient disparu d’ici à la fin de l’année. Cette décision fait partie dans un projet plus large de la junte thaïlandaise au pouvoir, dont le but est de vanter « l’hygiène » et « le bonheur » d’un pays trop souvent associé aux éléments de son économie grise, alcool, corruption et tourisme sexuel.

« Tous les vendeurs de rue devront partir »

Interdire les stands de nourriture ambulants peut être considéré comme un acte hygiénique – ni les locaux ni les touristes n’aiment les déchets accumulés ou la circulation bloquée –, mais en l’occurrence la mesure a provoqué la colère à la fois des marchants, des habitués et des touristes, pour qui l’écosystème de la street food de Bangkok est une source de revenus ou une option pratique et bon marché pour la pause déjeuner, ou même faisant partie du charme de la ville.

Certains quartiers, dont Siam Square, dans l’hypercentre très fréquenté, ont déjà été vidés de leurs étalages, a annoncé le premier conseiller du gouverneur, Wanlop Snwandee, dans des propos rapportés par le quotidien local anglophone The Nation. Il y explique que les autorités travaillent « en ce moment à se débarrasser des étalages dans les cinquante districts de Bangkok » pour rendre les trottoirs aux piétons.

« Les vendeurs de rue ont pris possession du trottoir depuis trop longtemps, et nous leur fournissons déjà des espaces pour vendre de la nourriture et d’autres produits, légalement, au marché. Il n’y aura pas d’exception à cette opération. Tous les vendeurs de rue devront partir. »

Dans certains quartiers, la municipalité pourchasse les vendeurs de rue depuis longtemps, et distribue des amendes. Les vendeurs sont également menacés par les promoteurs, qui rachètent des terrains pour y faire construire et expulsent de fait ceux qui squattent le trottoir. Le Guardian cite l’exemple de Soi Sukhumvit 38, un grand marché qui existait depuis quarante ans, fermé en 2016 pour faire construire à la place un immeuble de logements.

Economie et vivre ensemble

L’enjeu principal de cette interdiction est évidemment économique, d’abord pour les marchands eux-mêmes, contraints de se relocaliser ailleurs, parfois contre un loyer.

L’autre enjeu est touristique. La nourriture de rue fait partie du charme de Bangkok, la ville la plus visitée au monde avec 21,47 millions de visiteurs en 2016. Le tourisme représente environ 15 % du PIB. Pour la deuxième année de suite, CNN a décerné à Bangkok le titre de meilleure ville au monde de la street food.

Certains avancent également que la disparition des stands de nourriture des rues de Bangkok lui fera perdre un élément essentiel du vivre ensemble thaïlandais. Devant ces petits commerces se croisent en effet des habitants de milieux sociaux différents : les employés de bureaux, les chauffeurs de taxi et les ouvriers s’y retrouvent à l’heure du déjeuner.

Sur Twitter, les amoureux de Bangkok regrettent la disparition du charme de la ville. Et, preuve que la nourriture de rue fait aussi la réputation touristique de Bangkok, certains éditeurs de guides touristiques ont également réagi.