Aaron Hernandez avait 27 ans. | Brian Snyder / REUTERS

C’est une tradition aux Etats-Unis. Les champions d’un sport majeur sont conviés chaque année à poser aux côtés du président. Mercredi 19 avril, les New England Patriots, victorieux du Super Bowl en février, avaient donc rendez-vous à la Maison Blanche. Aaron Hernandez n’était pas là. Le joueur de football américain de 27 ans avait le talent pour faire partie de cette équipe. Mais quelques heures avant que ses anciens coéquipiers n’offrent un maillot floqué à son nom à Donald Trump, il a été retrouvé pendu dans sa cellule d’une prison de haute sécurité, près de Boston, la ville des Patriots. « Une tragédie américaine est désormais complète » écrit USA Today pour commenter l’histoire d’un homme qui a pris «un mauvais virage après l’autre ».

M. Hernandez purgeait une peine de prison à vie, sans possibilité de liberté surveillée, pour le meurtre d’Odin Lloyd en 2013. Le football américain, le sport le plus populaire du pays, a l’habitude des scandales. Du procès hypermédiatique de O.J Simpson, poursuivi pour le meurtre de son ex-femme et d’un ami, à la condamnation du quarterback star Michael Vick pour l’organisation de combats de chiens en passant par la suspension de Ray Rice, joueur de Baltimore filmé en train de frapper sa petite amie, les faits divers glauques ne manquent pas.

L’histoire d’Aaron Hernandez se place haut sur cette longue liste. Athlète surdoué, le jeune homme originaire du Connecticut dans le nord-est des Etats-Unis intègre l’université de Floride en 2007. Il y brille, gagnant le championnat universitaire en 2008. Mais l’étudiant, au comportement violent depuis la mort de son père lorsqu’il était adolescent, est aussi impliqué dans une bagarre dans un restaurant, fait partie des personnes interrogées après une fusillade et est sanctionné pour consommation de substances interdites.

Un contrat de 41 millions de dollars

Ces incidents affectent sa cote avant son arrivée dans le football professionnel. Il n’est choisi qu’en 113ème position lors de la « draft », le système de recrutement des équipes de la NFL (national football league). Il intègre malgré tout les New England Patriots, l’une des meilleures équipes de la ligue. Là encore, ses performances attirent l’attention. New England atteint le Super Bowl en 2011 et le joueur de 22 ans aux larges épaules et aux bras tatoués est récompensé par un contrat de 41 millions de dollars sur cinq ans.

Il ne profite pas longtemps de son nouveau statut. Fin juin 2013, Hernandez est arrêté par la police. Il est soupçonné du meurtre d’Odin Lloyd, l’un de ses proches dont le corps a été retrouvé 9 jours plus tôt criblé de balles. Les Patriots mettent un terme à son contrat presqu’immédiatement.

L’affaire fait la une de tous les journaux du pays. La personnalité du joueur, qui se présente à son procès souriant et hautain, agace. Son « indifférence » au sort de son ami marque les jurés qui s’expriment sur CNN. Les images d’une caméra de vidéo-surveillance entraînent sa condamnation à vie en 2015 pour meurtre au premier degré. Pour les médias et les fans américains, le destin d’Aaron Hernandez fait figure d’immense gâchis.

Vendredi dernier, Hernandez a été acquitté dans une autre affaire, datant de 2012. Il était accusé d’avoir tiré sur deux hommes près d’une boîte de nuit, l’une des victimes ayant renversé par accident une boisson sur lui. A l’annonce du verdict, celui qui a si longtemps donné l’image d’un dur ne peut retenir quelques larmes. Les appareils photo le saisissent en train d’envoyer un baiser à sa fille de 4 ans, présente dans le tribunal.

Moins d’une semaine plus tard, à 3 heures du matin, un gardien de prison le retrouve dans sa cellule, un drap noué autour du cou, l’autre bout attaché à une fenêtre. « John 3:12 » est inscrit au marqueur rouge sur son front, une bible ouverte à ce passage à côté de son corps. Aaron Hernandez est prononcé mort une heure plus tard à l’hôpital. Rien ne laissait envisager un comportement suicidaire déclarent ses proches et les autorités.

Blagues sur sa mort sur Twitter

Ils sont très peu depuis à s’attrister de son sort. Sur Twitter, les blagues sur ce que la police a présenté comme un suicide se succèdent. Un message résume sa vie : « professionnel à 20 ans. Multimillionaire à 22. Condamné pour meurtre à 25. Mort à 27. Les choix que nous faisons ont des conséquences. »

Stephen A. Smith, sorte de Pierre Ménès du sport américain, annonce sur ESPN ne ressentir « aucune  compassion que ce soit ». Sur la chaîne concurrente Fox Sports 1, Shannon Sharpe, ancien footballeur devenu consultant, préfère s’attarder sur l’environnement de la star. « Quand vous atteignez le statut de sportif professionniel, beaucoup laissent leur vie d’avant derrière eux. Aaron Hernandez n’a pas pu », commente l’ancien joueur de Denver. « Ce n’était pas un gangster de pacotille. C’était un vrai membre de gang et cela faisait partie de lui. Ca comptait autant pour lui que jouer dans la ligue nationale de football pour les New England Patriots. »

Interrogé par Associated Press, un ami de l’homme tué par Hernandez avance sa théorie : « Je crois simplement que la culpabilité a fini par le rattraper ».