Les Lyonnais disputent un quart de finale retour de Ligue Europa jeudi à Istanbul. | OZAN KOSE / AFP

« On ne va pas à la guerre ». Cette formule de bon sens grommelée, dimanche dans les couloirs du stade Furiani à Bastia, par l’entraîneur Bruno Génésio illustre à merveille la semaine calamiteuse vécue par l’Olympique lyonnais.

En quelques jours, le club du président Jean-Michel Aulas a frôlé à deux reprises la catastrophe : une première fois en perdant le contrôle de son Parc OL jeudi dernier en Ligue Europa, lors de sa victoire face au Besiktas Istanbul, et une deuxième fois, dimanche à Bastia, lorsque ses joueurs ont été agressés sur le terrain par des dizaines de supporteurs adverses et même par… un stadier.

Mis en cause en tant qu’organisateur de l’événement lors du premier incident (la billetterie pose notamment question à cause de la présence de 20 000 Turcs), Lyon a servi de victime expiatoire lors du suivant. Comment se relever lorsque le ciel vous tombe sur la tête deux fois en si peu de temps ? Avant de se rendre jeudi soir en Turquie pour disputer une qualification en demi-finale de Ligue Europa face à Besiktas (21 h 05), c’est la question qui a dû phagocyter l’esprit des dirigeants lyonnais depuis le début de la semaine.

La malédiction lyonnaise

Une semaine qui a débuté après minuit dimanche soir sur le tarmac de l’aéroport de Bron, en banlieue lyonnaise. Les joueurs de l’OL n’ont décollé de Corse qu’aux alentours de 22 heures… Ils n’ont en effet quitté Furiani que vers 21 heures, sous la menace d’une foule hostile, sous la protection des gardes mobiles et après une interminable attente, calfeutrés dans les vestiaires.

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Le milieu de terrain Jordan Ferri veut croire que ces événements puissent avoir un effet de cohésion : « On a vécu une semaine mouvementée. On a eu le temps de redescendre et bien travailler. C’était la première fois qu’on était face à un envahissement de terrain. On s’est défendus comme on a pu. On n’est pas passés loin d’une catastrophe. On n’y pense pas trop, ça va tellement vite. On est une équipe soudée, on le voit dans ce genre de contexte… »

Après un Parc OL transformé en champ de bataille et un stade Furiani devenu guet-apens, Lyon s’apprête à faire connaissance avec une autre arène réputée peu hospitalière pour ses visiteurs : la Vodafone Arena, le nom du nouveau stade de Besiktas inauguré en 2016 (merci au parrainage sportif). Le club des Aigles Noirs n’y a perdu qu’une seule fois en compétition officielle depuis le 20 août 2016. Les joueurs au maillot noir et blanc ont remporté 15 de leurs 22 matchs, pour seulement six nuls et une défaite, donc, en seizième de finale de Coupe de Turquie face au rival du Fenerbahçe.

Le latéral droit Christophe Jallet ne s’en laisse apparemment pas compter. « Il y aura une grosse ambiance contre nous, mais je n’ai pas peur pour ma sécurité. Ce sera une soirée compliquée. Il y a le contexte particulier dû aux élections en Turquie. Il ne faut pas s’en faire tout un monde, assure l’international tricolore, Quand il y a une atmosphère brûlante, cela peut galvaniser l’équipe. On peut se surpasser. Cela nous donne plus de force pour livrer un grand match, dont on espère sortir vainqueurs. »

Quelques jours après la victoire du « oui » au référendum organisé par le président Recep Erdogan pour étendre ses pouvoirs, et au vu du scénario du match aller, on a connu destination plus engageante. Les autorités françaises ne s’y sont d’ailleurs pas trompées en demandant à l’OL de ne pas organiser de déplacement de supporteurs à Istanbul. « On a beaucoup d’interrogations, mais on veut aller en demi-finale, et l’on n’est jamais aussi fort que lorsqu’on est dans la difficulté. Maintenant, on va aller à Istanbul, avec trois dirigeants, aucun supporteur, aucun sponsor… S’il faut jouer dans un stade en furie, on le fera. J’espère que l’UEFA prendra ses responsabilités », a lancé Jean-Michel Aulas.

Au match aller, Lyon, avec Alexandre Lacazette, s’était imposé 2 à 1 face au Besiktas. | JEFF PACHOUD / AFP

Besiktas trouve la sanction scandaleuse

Ironie du sort, l’équipe lyonnaise était présente cet été lors de la tentative de coup d’état, qui a pris source sur les rives du Bosphore, et devait y disputer un match amical, finalement annulé face au Fenerbahçe. Jordan Ferri s’en souvient : « On a été choqués de voir les chars vers l’aéroport. On a eu un peu peur la veille à l’hôtel. On voyait des hélicoptères, ça klaxonnait. Quand il y a eu le tirage, on a tout de suite repensé à ça. »

Le week-end dernier, on a en tout cas joué l’apaisement du côté turc. Le président du Besiktas a tenu à rassurer publiquement ses adversaires. « Nous avons joué un match contre Lyon, et après ce match des déclarations regrettables ont pu être faites. Mais ce match-là appartient au passé. Il faut maintenant oublier ce match. Le club de Lyon va venir chez nous et sera notre invité », a déclaré Fikret Orman.

Un appel que les supporteurs stambouliotes seraient bien avisés d’avoir entendu, puisque depuis mercredi soir une épée de Damoclès est suspendue au-dessus de la tête des deux clubs. L’UEFA a rendu sa décision au sujet des incidents de la semaine dernière. Pas de jaloux, L’OL et Besiktas ont écopé de la même sanction : une exclusion de toute compétition européenne avec sursis, assorti d’une période de probation de deux ans…

Si le président lyonnais a semblé accepter la sentence rendue par l’instance – peut-être s’attendait-il à pire en tant qu’organisateur de la rencontre ? –, les Turcs se sentent, quant à eux, floués. « Il n’y a rien à dire sur cette décision scandaleuse. Cela montre combien est partiale la décision de l’UEFA qui nous met sur un pied d’égalité avec Lyon pour des incidents dont nous n’étions pas responsables. Ce n’est pas possible d’accepter ça, car la police de Lyon devrait être tenue responsable pour les incidents qui ont éclaté. Ce n’est plus seulement le problème de Besiktas, mais de toute la Turquie », a asséné le porte-parole du club, Metin Albayrak.

Le destin européen de Lyon et de Besiktas se jouera donc sur la pelouse, avec à la clé une qualification en demi-finale de la Ligue Europa, mais également dans les tribunes. Ce soir, il ne faudra voir que du football à Istanbul.