Des fleurs sont déposées à l’endroit où a été tué un policier, jeudi soir 20 avril sur les Champs-Elysées à Paris, lors d’une attaque revendiquée par l’Etat islamique. | Christophe Ena / AP

« Une source interne de l’agence Amaq confirme que l’attaque qui a eu lieu aux Champs-Elysées, au cœur de Paris, est l’œuvre d’Abou Youssouf Al-Belgiki, qui est l’un des soldats du Califat. »

Si le mode de revendication ne change pas – l’EI s’est encore signalé hier via un communiqué de son organe de propagande Amaq –, le timing est très rapide. Le groupe djihadiste a réagi à peine deux heures et demie après l’attaque commise jeudi 20 avril contre un bus de la police, au cours de laquelle un policier a été tué, et l’assaillant abattu. Il s’agit pour l’EI de la revendication la plus prompte d’un attentat commis sur le sol européen, avec celui qui a visé l’aéroport de Bruxelles, le 22 mars 2016. Une attaque menée alors par le réseau de Molenbeek.

Avec cette revendication express, l’identification de l’auteur par son nom de guerre et le qualificatif de « soldat du califat », l’EI suggère que l’attaque a été préméditée et organisée, ou du moins qu’il connaissait l’assaillant. Lequel aurait donc été en lien avec le groupe avant son passage à l’acte, seul, soutenu par d’autres, ou guidé à distance. Seule certitude, Karim Cheurfi a cherché à entrer en contact avec un combattant dans la zone irako-syrienne au début de l’année.

D’où une première interrogation : pourquoi qualifier l’assaillant, originaire de Livry-Gargan, ville française de Seine-Saint-Denis, de « belge » ?

En novembre 2015, un Français déjà « nommé » Al-Belgiki

Un membre – français – du commando impliqué dans les attentats de Paris, en novembre 2015, avait été désigné comme « belge » dans les revendications de l’organisation : Brahim Abdeslam, qui s’est fait exploser au comptoir Voltaire après avoir participé à l’attaque des terrasses, apparaissait sous le nom de Abul-Qaqa’Al-Baljiki dans un photomontage de Dabiq, organe de propagande de l’EI, diffusé en janvier 2016. Mais Brahim Abdeslam, comme son frère Salah, en détention en France, a grandi en Belgique.

La « nisba » – nom de guerre – utilisée par le groupe djihadiste n’indique donc pas forcément la nationalité réelle de ses membres. Abdeslam avait cependant en grande partie vécu en Belgique. Mais à ce stade, rien ne permet d’affirmer ou d’infirmer que Karim Cheurfi y a séjourné depuis sa sortie de prison, début 2015. Le nom d’Abou Youssouf Al-Belgiki mentionné dans le communiqué d’Amaq vise peut-être encore, tout simplement, à brouiller les pistes.

L’EI s’est-il trompé d’individu ? Y a-t-il un deuxième homme ? L’hypothèse d’une complicité belge reste incertaine. Si la police judiciaire d’Anvers a diffusé jeudi soir le signalement inquiétant d’un homme soupçonné de vouloir se rendre en France par le Thalys, les autorités ont annoncé vendredi matin qu’aucun lien n’a été établi avec la fusillade à Paris.

Les services belges se concentrent désormais sur cette revendication qui pourrait citer, donc, un combattant belge ou d’origine belge.

Des revendications d’opportunité ?

Les revendications de l’EI, d’abord relayées par Amaq, sont en général suivies d’un communiqué en bonne et due forme, puis d’une vidéo, d’un message audio ou d’un testament de l’auteur d’une attaque où il prête allégeance au chef de l’organisation, Abou Bakr Al-Baghdadi. Mais ces « preuves » diffusées sur ses canaux de propagande ne sont plus aussi automatiques que par le passé.

Ce qui interroge sur la nature potentiellement opportuniste de certaines revendications, même si le groupe peut inspirer les passages à l’acte.

Le 14 juillet 2016, Mohamed Lahouaiej Bouhlel fonce sur une foule rassemblée à Nice avant d’être abattu par la police. L’EI revendique l’attaque en qualifiant Bouhlel de « soldat », suggérant un lien entre le groupe et l’assaillant, un lien qui n’a jamais été démontré par la suite.

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A Londres, l’auteur de l’attentat de Westminster le 22 mars 2017 avait « clairement un intérêt pour le djihad », a précisé la police britannique. Et l’EI a, là encore, revendiqué l’attentat le lendemain, le premier sur le sol britannique que s’attribue ce groupe. Mais là encore, aucun lien n’a été démontré entre Adrian Russell Ajao et l’organisation djihadiste.

L’attentat « répond à la rhétorique des chefs de l’EI en termes de méthodologie pour attaquer les civils et la police, mais je ne dispose à ce stade d’aucune preuve montrant qu’il en ait parlé avec d’autres », déclarait fin mars le coordinateur national des services de l’antiterrorisme, Neil Basu.