« On n’a rien gagné. » D’une extrême prudence, l’entraîneur de l’AS Monaco, Leonardo Jardim, a pris des précautions de langage après l’impressionnante victoire (3-1) de ses joueurs contre les Allemands du Borussia Dortmund, mercredi 19 avril, en quarts de finale retour de Ligue des champions (LDC). Première équipe de l’histoire à se qualifier pour le dernier carré de l’épreuve européenne après être passée par le troisième tour préliminaire, le club de la Principauté devait connaître son prochain adversaire, vendredi 21 avril, au terme du tirage au sort.

Sur la route de la finale programmée le 3 juin à Cardiff (Pays de Galles), l’ASM avait le « choix » entre trois épouvantails – Real et Atlético de Madrid ainsi que Juventus Turin – pour cette confrontation, prévue les 2 ou 3 mai (pour l’aller) et les 9 ou 10 mai (pour le retour).

« Nous ne sommes pas favoris. Nous savons que c’est dur. On est l’équipe qui joue le plus en Europe », rappelle Leonardo Jardim, entraîneur de l’AS Monaco

Et les Monégasques n’ont pas fait part de leur préférence entre les Italiens de la Juventus, leurs bourreaux lors des quarts en 2015, dotés d’une défense aussi infranchissable que disciplinée ; les Espagnols du Real Madrid entraînés par l’icône française Zinédine Zidane, tenants du titre et en quête d’un douzième sacre ; et leur frère ennemi de l’Atlético de Madrid, finaliste malheureux de l’édition précédente. « Les quatre équipes peuvent gagner la compétition », a estimé Jardim, qui a fait de l’ASM un rouleau compresseur (141 buts inscrits cette saison toutes compétitions confondues), dont le jeu épate l’Europe du football. « Nous ne sommes pas favoris. Nous savons que c’est dur. On est l’équipe qui joue le plus en Europe », a-t-il rappelé.

Pour parvenir à se hisser pour la quatrième fois dans le Top 4 continental (après les épopées de 1994, 1998 et 2004, année de leur finale perdue contre Porto), les joueurs du Rocher ont disputé, à ce jour, quatorze rencontres en Ligue des champions. Première équipe française à atteindre le dernier carré du tournoi depuis l’Olympique lyonnais en 2010, l’ASM a déjà enchaîné 54 matchs officiels cette saison. En quête d’un titre majeur depuis 2003, les Monégasques suivent un rythme plus que soutenu. Après leur défaite (4-1) en finale de la Coupe de la Ligue contre le Paris-Saint-Germain, le 1er avril, ils sont en lice sur trois tableaux et avancent à marche forcée.

Le 26 avril, les protégés de Jardim affronteront le club de la capitale en demi-finales de la Coupe de France. Leader de Ligue 1 (avec le même nombre de points que le PSG mais avec un match en moins), Monaco espère sortir vainqueur de son mano a mano avec le quadruple tenant du titre – éliminé (0-4, 6-1), lui, par le FC Barcelone en huitièmes de finale de LDC – à six rencontres du terme de la saison. En outre, ce calendrier démentiel pourrait s’allonger si l’ASM arrivait à se qualifier pour les finales de Ligue des champions et de la Coupe de France (programmée le 27 mai). Dans ce cas de figure, elle aurait disputé 65 rencontres lors d’un exercice 2016-2017 gargantuesque.

Force collective

« Il n’est jamais facile de jouer l’Europe à ce niveau puis de jouer le championnat pour le gagner, a reconnu Jardim alors que son équipe défie l’Olympique lyonnais dès dimanche 23 avril, en clôture de la 34e journée de Ligue 1. On va essayer d’aller jusqu’à nos limites dans les deux compétitions. » Soucieux de « rester dans l’histoire », le coach portugais ne semble pas disposé à sacrifier un tableau pour privilégier l’autre dans cet ultime virage aussi trépidant que périlleux. D’autant que son équipe, savant mélange entre de jeunes pépites (le prodige et buteur Kylian Mbappé, 18 ans, Thomas Lemar, Benjamin Mendy) et des cadres expérimentés (le capitaine colombien Falcao, le défenseur polonais Kamil Glik), dégage une impression de force collective et de relative fraîcheur. Un impact physique d’autant plus bluffant en dépit de l’accumulation effrénée des rencontres.

« Il faut bien gérer la fatigue. Mais le coach le fait très bien », assure Vadim Vasilyev, le vice-président de l’ASM et bras droit du milliardaire russe Dmitri Rybolovlev, propriétaire du club (160 millions d’euros de budget prévisionnel) depuis 2011. Il faut dire que Jardim, stakhanoviste attentif au moindre détail, s’est montré avisé dans ses choix au cours de la saison. L’ex-entraîneur du Sporting Lisbonne (2013-2014) n’hésite pas à faire tourner son effectif, jouant de la concurrence pour maintenir ses troupes sous pression.

« Cette équipe de Monaco ne se fixe pas de limite », estime Vadim Vasilyev

En poste sur le Rocher depuis 2014, Jardim tire aujourd’hui bénéfice de sa « méthode écologique », axée sur la « mise en situation » et une « approche globale » du football. « Au foot, le plus important, c’est d’avoir une équipe, où tout le monde donne son meilleur, s’entraide et va dans le même sens, détaillait, en novembre 2016, au Monde, l’entraîneur, diplômé en éducation physique à l’université de Madère. La condition physique, ce n’est pas le plus important. Tu peux tuer tout le système de ton équipe avec trop de travail physique. C’est la même chose si tu veux changer le biotype d’un joueur de qualité, rapide et technique, en le rendant plus fort et musclé. C’est comme si tu voulais changer le PH [potentiel hydrogène] d’une rivière. Tu peux tuer tout l’écosystème : les poissons peuvent sortir, les ­algues peuvent mourir. »

Au centre d’entraînement de la Turbie, le Lusitanien s’appuie notamment sur les données relevées par ses dévoués adjoints, Nelson Caldeira et Antonio Vieira. Originaires eux aussi de Madère, les deux techniciens dissèquent les performances, mesurent l’intensité des séances grâce à leurs GPS. Dans la dernière ligne droite, l’ASM, dont l’ambition n’a plus de bornes, parviendra-t-elle à tenir cette cadence infernale ? « Cette équipe de Monaco ne se fixe pas de limite », estime Vadim Vasilyev, dont le club joue sa saison à quitte ou double.