Reda Merida, étudiant en sciences politiques à Lille parti cette année en Erasmus à Rome, a souhaité consacrer sa chronique mensuelle pour Le Monde Campus à l’élection présidentielle 2017, et à la faible participation annoncée de sa génération.

Il a été captivant pour moi de voir, depuis mon installation à Rome en septembre, la façon dont les étrangers, mais aussi les étudiants venus comme moi de l’Hexagone, perçoivent la scène politique française et tout ce qui s’y passe. S’il y a bien un sentiment que nous partageons tous, c’est celui d’avoir été délaissés, négligés, voire effacés des débats politiques ; alors que pour la plupart d’entre nous, cette élection est la première occasion de pratiquer notre « devoir » citoyen.

Selon les sondages, la proportion d’étudiants inscrits sur les listes électorales qui ne pensent pas aller voter pour le premier tour de l’élection présidentielle dépasse de loin celle de 2012, à 45 % au lieu de 39 %, et l’abstention s’annonce plus forte encore si l’on considère l’ensemble des 18-24 ans. Ces chiffres n’étonnent pas : non pas que la jeunesse soit dépolitisée ou désintéressée par ce qui se déroule actuellement ; cela est plutôt dû au fait que cette compagne, avec ses affaires, ses polémiques stériles et son contexte socio-économique tendu, a laissé certains de côté, les jeunes étant un parfait exemple de ces oubliés.

Il faut commencer par rappeler la situation des jeunes et des étudiants en particulier, qui ne cessent de se paupériser : pour ne pas avoir à choisir entre leurs besoins vitaux, 46 % des étudiants exercent une activité rémunérée pendant l’année universitaire, parmi lesquels 54 % déclarent que cette activité leur est indispensable pour vivre. Il faut savoir que cette activité n’est pas sans impact sur leur quotidien. Une grande partie d’entre eux dit souffrir de stress, d’épuisement et de problèmes de sommeil, avec toutes les séquelles que ça pourrait avoir sur leur qualité de vie. Une précédente étude avait montré que l’échec des étudiants est en partie dû à ces activités, le travail salarié diminuant fortement leur chance de réussite à l’examen de fin d’année.

Aujourd’hui en France, seulement 23 000 personnes en situation de handicap font des études supérieures. Malgré la loi de février 2005 sur l’accessibilité, le manque de structures adaptées pour améliorer leur accès à l’enseignement supérieur, aux stages et à la mobilité internationale reste criant.

Aujourd’hui en France, une personne portant un nom à consonance étrangère a nettement moins de chances de décrocher un travail ou d’obtenir un logement. Une situation qui a été dénoncée par le Défenseur des droits. La situation des 12 % d’étudiants français de nationalité étrangère n’est pas meilleure, notamment pour ceux de nationalité algérienne. Alors que 41 % des doctorants inscrits dans les universités françaises sont étrangers, dont un quart qui provient du Maghreb, c’est le rayonnement scientifique de la France qui est en jeu. Mais tous ces sujets importants pour nous les jeunes, et importants pour la société française dans son ensemble, ne semblent pas beaucoup compter dans les programmes électoraux.

La forte abstention qui s’annonce est, je pense, le fruit de l’inattention des candidats à toutes nos problématiques. Selon le sondage cité au début de l’article, 74 % des étudiants se disent non satisfaits par la façon dont les candidats répondent à leurs préoccupations.

Même quand les candidats nous parlent, ils restent totalement inaudibles. La façon dont ils traitent les questions relatives aux jeunes est emprunte de paternalisme et d’autorité (et de dédain parfois). Nous sommes essentiellement considérés d’un point de vue utilitariste, en ne se focalisant que sur notre rôle à venir dans la société. Plutôt que de nous écouter ou de demander notre avis, ils ne font que nous imposer le leur.

Autre erreur : les hommes politiques considèrent les jeunes comme étant une masse unique et homogène, faisant abstraction de la diversité de nos trajectoires, de nos profils et de nos aspirations. Toutes les solutions qu’ils pondent sont désemplies et irréalisables.

Leurs programmes sont bel et bien truffés de propositions à notre égard, mais sur des sujets souvent récurrents d’une élection à l’autre : sélection à l’entrée à la fac, l’autonomie des universités, l’alternance, le nombre de fonctionnaires, etc. Le manque de vision et la déconnexion de ces propositions des vrais besoins des jeunes ne les rendent ni attractives ni viables. Force est de constater que, hormis certains à gauche, les candidats ne proposent point de nouveaux droits sociaux qui feraient bouger le marasme actuel, certains d’entre eux remettent même en cause le libre accès à l’enseignement supérieur, qui est déjà relatif. Même les mesures sociales sur le revenu universel de Benoît Hamon et sur l’allocation de 800 euros et la gratuité de l’université de Jean-Luc Mélenchon ont moins plu qu’escompté. Les étudiants sont conscients de leur efficacité limitée : leur mettre de l’argent dans les poches atténuera certainement le problème de précarité, mais ne réglera pas la question des inégalités des chances et des opportunités.

L’élection qui se jouera dimanche engagera la France pour les cinq années à venir. Pour nous les jeunes, aucun débat n’a mis notre esprit en effervescence, aucune mesure n’a remué nos tripes. Notre pouvoir d’achat, avenir, santé et bien d’autres sujets nous concernant ont été ignorés. Nous avons été spectateurs de ces affaires et polémiques qui n’avaient pas lieu d’être dans la campagne, et qui sont venues la souiller. Quel gâchis !