L’amphithéâtre de médecine de l’université de Strasbourg. | CATHERINE SCHRÖDER / Unistra

L’enseignement supérieur figure au rang des nombreux grands absents des débats de la campagne présidentielle. D’importantes lignes de fracture séparent cependant les programmes des candidats, à l’heure où l’université voit arriver à ses portes les enfants du boom démographique des années 2000, avec plus de 30 000 étudiants supplémentaires à chaque rentrée.

Pour la première fois, plusieurs candidats se positionnent en faveur d’une mesure sensible : la mise en place d’une sélection à l’entrée de l’université. Retour sur les grandes promesses des principaux candidats.

  • La sélection à l’entrée de la licence

Plusieurs candidats prônent l’instauration d’une sélection à l’entrée de l’université, seule filière de l’enseignement supérieur public où celle-ci est jusqu’ici interdite. C’est l’une des principales mesures que porte Marine le Pen en matière d’enseignement supérieur : la candidate du Front national défend une sélection au « mérite » pour mettre fin à la « sélection par l’échec » dans les premiers cycles universitaires. Elle préconise en parallèle de « développer massivement l’alternance ».

Si François Fillon (LR) se refuse à parler de sélection dans son programme, il compte donner une « préférence à ceux qui se sont préparés dès le lycée à la voie pour laquelle ils postulent » dans les licences en tension, c’est-à-dire dans ces disciplines où le nombre de candidats dépasse celui des places disponibles dans les universités : en Staps (sciences et techniques des activités physiques et sportives), ou encore en psychologie, en sciences de l’éducation… Le candidat Les Républicains veut ainsi mettre un terme au système « ubuesque » du tirage au sort pratiqué actuellement pour départager les trop nombreux candidats. Il souhaite également permettre aux universités de développer des « filières d’excellence ».

Emmanuel Macron porte une ligne similaire en faveur de la mise en place de prérequis à l’entrée du premier cycle : « Pour une licence en sciences, ces prérequis pourront être des acquis minimaux en mathématiques, en sciences physiques ou en sciences de la vie et de la terre », explique-t-il dans son programme. « Un lycéen ne disposant pas de ces prérequis pourra s’inscrire après avoir comblé ses lacunes, par des cours d’été ou par la validation de modules universitaires », envisage le candidat d’En marche !, qui veut créer 100 000 places « dans de nouvelles filières courtes professionnalisantes proposées par les lycées, les universités, les établissements consulaires en lien avec les branches professionnelles ».

Benoît Hamon (PS) et Jean-Luc Mélenchon (La France insoumise) ne se positionnent pas, eux, en faveur d’une sélection. Le candidat socialiste défend une refonte du cycle licence, avec une spécialisation plus progressive et la suppression des cours en amphithéâtre en première année au profit des enseignements en petits groupes. Jean-Luc Mélenchon préconise également de développer les cursus courts (BTS, DUT, licences professionnelles) en y donnant une priorité d’accès aux bacheliers professionnels et technologiques.

  • La question du budget

Jean-Luc Mélenchon et Benoît Hamon plaident pour une forte augmentation des moyens dans le secteur de l’enseignement supérieur et des emplois. La communauté universitaire dénonce depuis plusieurs années une situation de plus en plus difficile face à un nombre d’étudiants qui ne cesse de croître et des charges en augmentation, sans que les budgets des établissements ne suivent le rythme.

Jean-Luc Mélenchon veut sortir de « l’austérité » et propose un doublement du budget en cinq ans (+ 4,6 milliards pour l’enseignement supérieur et la recherche par an), avec la création d’au moins 5 000 postes en trois ans. Son adversaire socialiste promet, lui, une augmentation de 1 milliard d’euros par an et envisage 7 500 recrutements en cinq ans.

Marine le Pen évoque elle aussi une augmentation de 1 milliard d’euros annuel, tandis que le candidat Les Républicains se prononce pour le « maintien, et si possible l’augmentation » du budget, tout en pointant la nécessité pour les établissements de développer leurs ressources propres.

Emmanuel Macron promet, de son côté, une « sanctuarisation » du budget, synonyme de stabilité. Quant aux postes de fonctionnaires, François Fillon envisage d’en supprimer 500 000 et Emmanuel Macron vise 120 000 suppressions.

  • Les droits d’inscription à l’université

François Fillon veut briser un autre tabou de l’université, en donnant la liberté aux établissements d’augmenter les droits d’inscription que versent les étudiants, au niveau master, dans le cadre d’un plafond. Les droits sont actuellement fixés au niveau national (184 euros en licence, 256 euros en master, 391 euros en doctorat). Le candidat de droite envisage également une augmentation modérée en licence, à l’échelle nationale.

Marine Le Pen, Emmanuel Macron et Benoît Hamon ne prévoient pas de toucher aux droits d’inscription, tandis que Jean-Luc Mélenchon veut pour sa part y mettre fin. « L’université sera gratuite dès la rentrée 2017, prise en charge par l’Etat », promet le candidat de La France insoumise, qui souhaite créer une allocation autonomie de 800 euros, « sous condition de ressources, pour les jeunes engagés dans une formation qualifiante ». Le revenu universel d’existence, mesure phare du programme du candidat socialiste, concernera lui aussi les étudiants – français comme étrangers –, à hauteur de 600 euros par mois.

  • L’autonomie des établissements

La question de l’autonomie des universités divise les candidats à la présidence française. D’un côté, François Fillon et Emmanuel Macron veulent aller plus loin. Le candidat Les Républicains veut parachever cette autonomie d’un point de vue pédagogique et budgétaire, quand Emmanuel Macron préconise de donner une plus grande liberté aux établissements à tous les niveaux, sur la pédagogie, la formation, l’organisation… ainsi que dans le recrutement des enseignants-chercheurs.

Marine Le Pen s’oppose en revanche à un approfondissement en la matière et défend le retour de la gestion de la masse salariale des universités à l’Etat. Jean-Luc Mélenchon souhaite quant à lui revenir sur l’autonomie en abrogeant les dernières grandes lois en la matière – « Pécresse » en 2007, puis « Fioraso » en 2013. Il propose de mettre en place un nouveau cadre national de l’université et des diplômes, et de rassembler les universités dans « une seule structure nationale souple et démocratique ».