Les 26 otages ont été accueillis par l’émir du Qatar, Tamim Ben Hamad Al-Thani (deuxième à gauche), à l’aéroport de Doha, vendredi 21 avril. | Uncredited / AP

Les opérations d’évacuation ont pris fin en Syrie. Ces derniers jours, plus de 3 000 civils et combattants ont été convoyés aux portes d’Alep depuis plusieurs localités assiégées, les unes par le régime, les autres par des groupes radicaux de l’opposition. Ces habitants déplacés de leurs terres ont rejoint vendredi 21 avril des zones du pays contrôlées par le camp – loyaliste ou rebelle – qu’ils soutiennent. Déjà complexe, l’accord qui a encadré leur évacuation a pris un tour encore plus vertigineux alors que le rôle joué par le Qatar est devenu plus clair.

Doha, soutien de groupes armés anti-Assad, et Téhéran, pilier du régime, ont parrainé ces opérations d’échange, au terme de pourparlers qui ont aussi impliqué le Hezbollah libanais. Dans son édition du 14 avril, le Guardian affirmait que le Qatar s’était lancé dans ces tractations pour obtenir, en contrepartie, la libération de ses ressortissants enlevés en Irak, parmi lesquels figuraient plusieurs membres de la famille royale. Le quotidien britannique désignait comme ravisseurs présumés les Kataeb Hezbollah, une milice chiite irakienne créée par les gardiens de la révolution iraniens.

Vendredi, les 26 otages qataris ont été libérés, puis remis aux autorités irakiennes. L’émir Tamim Ben Hamad Al-Thani les a accueillis en personne à leur arrivée à Doha, dans l’après-midi. Ils avaient été kidnappés en décembre 2015, alors qu’ils participaient à une partie de chasse dans le sud de l’Irak. Leur enlèvement n’avait pas été revendiqué.

Imbrication de conflits régionaux

Selon des sources citées par l’agence AP, le Qatar aurait versé des sommes faramineuses à plusieurs factions sunnites et chiites, en Irak ou en Syrie, y compris au Front Fatah Al-Cham, l’ex-Front Al-Nosra. Ces rançons auraient servi tant à satisfaire les exigences des ravisseurs des chasseurs aux faucons, qu’à faciliter les opérations d’évacuation de quatre villes syriennes. Des militants de l’opposition déplacés le 14 avril de Madaya, un petit bastion rebelle proche du Liban, après avoir été soumis au long siège de l’armée syrienne et du Hezbollah, sont ainsi persuadés d’avoir fait les frais d’un grand marchandage.

Face aux liens entretenus par les preneurs d’otages présumés avec l’Iran, c’est le Qatar qui aurait pressé pour inclure la libération de ses ressortissants dans les négociations sur les villes syriennes. Le camp pro-iranien, l’un des acteurs les plus puissants dans le conflit syrien, sort gagnant de ces tractations.

Pour Téhéran, le sort des villages chiites de Foua et Kefraya, dans le nord-ouest de la Syrie, est un motif de préoccupation. Les deux localités, favorables au régime – dont des combattants exfiltrés fin 2015, lors d’un précédent échange entre les quatre villes, avaient été soignés dans des hôpitaux du Hezbollah, dans la banlieue de Beyrouth –, sont encerclées depuis près de deux ans par des groupes radicaux de l’opposition qui contrôlent la province d’Idlib. Elles servaient aux factions anti-Assad de moyen de pression sur le régime et sur le camp pro-iranien.

A l’inverse, le départ des derniers combattants rebelles de Madaya, puis de Zabadani, permet au Hezbollah d’étendre son contrôle à la frontière avec le Liban. Plusieurs groupes insurgés, ainsi que des djihadistes de l’organisation Etat islamique, sont encore présents sur les flancs orientaux du pays du Cèdre. Selon des médias libanais, une offensive du Hezbollah serait imminente dans cette zone.