Au QG de Marine Le Pen, à Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), le 23 avril. | LAURENCE GEAI POUR "LE MONDE"

Le Front national aime les coups de tonnerre, mais Marine Le Pen n’a pas été en mesure de lui en offrir un. La présidente du parti d’extrême droite s’est qualifiée pour le second tour de l’élection présidentielle, dimanche 23 avril, face à Emmanuel Macron, avec 21,9 % des voix, contre 23,7 % pour le représentant d’En marche !. Mais elle a échoué à arriver en tête de l’élection. Un résultat en demi-teinte pour une candidate qui présentait ces dernières années sa formation comme « le premier parti de France ».

La qualification de la députée européenne reste une performance pour le FN, habitué aux seconds rôles derrière le Parti socialiste et Les Républicains – deux partis qu’il devance aujourd’hui. Seul Jean-Marie Le Pen, en 2002, avait réussi avant elle à se placer sur la ligne de départ du deuxième tour, face à Jacques Chirac. Mme Le Pen enregistre un score supérieur de près de cinq points à celui réalisé par son père à l’époque (16,86 %).

Elle progresse aussi d’environ quatre points par rapport à son propre résultat de 2012 (17,9 %), quand elle avait fini troisième de l’élection.

« Première étape »

« La première étape qui doit conduire les Français à l’Elysée est franchie », s’est réjouie l’intéressée lors d’une courte allocution prononcée depuis l’espace François-Mitterrand d’Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), où elle organisait sa soirée électorale. Ce résultat marque, selon elle, l’« acte de fierté (…) d’un peuple qui relève la tête ». Dans la salle, les militants et les cadres du FN sautaient en criant : « On est en finale ! »

Mais l’incapacité de Mme Le Pen à arriver en tête, alors que de nombreux sondages lui promettaient un tel résultat depuis près de quatre ans, et que son parti a dominé les élections européennes, départementales et régionales, en 2014 et 2015, complique sa tâche en vue du second tour.

Pour tenter de rassembler, en particulier au sein de l’électorat filloniste, la députée européenne s’est présentée comme la seule à même de proposer une « alternance fondamentale » face à « l’héritier de François Hollande » que représente M. Macron. Et pour tenter de s’arroger les faveurs des soutiens de Jean-Luc Mélenchon, elle a présenté « la mondialisation sauvage » comme « le grand enjeu de cette élection ». Elle doit tenir un meeting à Nice, jeudi, en terre sarkozyste, avant d’organiser le traditionnel du 1er-Mai de son parti au parc des expositions de Villepinte, en banlieue parisienne.

Le résultat enregistré par la présidente du Front national vient sanctionner une campagne dans laquelle elle n’a pas réussi à se placer au centre des débats. Dans les travées de l’espace François-Mitterrand, les cadres du parti se désolaient du fait que les propositions auraient été escamotées du débat ces dernières semaines.

Le « mondialiste » et la « patriote »

« Au deuxième tour, la tribune médiatique va être séparée en deux, on va enfin pouvoir parler du fond, ça n’a pas toujours été le cas dans les dernières semaines de la campagne », estime Jean-Lin Lacapelle, un proche de Mme Le Pen. Cette dernière a carrément reproché au « système » d’avoir « cherché par tous les moyens à étouffer le grand débat politique qu’aurait due être cette élection ».

L’affiche de la finale face à Emmanuel Macron réjouit officiellement les supporters de la candidate frontiste, puisque le candidat d’En marche ! est volontiers présenté comme le représentant du « mondialisme » face à la « patriote » Le Pen. Pour Philippe Murer, conseiller économique et assistant parlementaire de la députée européenne, l’ancien ministre de l’économie représente même « le candidat de l’anti-France ».

Plus que le score en lui-même ou la place occupée par la fille de Jean-Marie Le Pen, certains frontistes soulignent avant tout que leur candidate est arrivée devant François Fillon. De quoi laisser espérer des ralliements en provenance de la droite, disent-ils, et l’opportunité de prendre le leadership au sein de ce camp.

« Ce que je regarde, c’est si les conditions de la recomposition sont là », avançait ainsi Jérôme Rivière, ancien député UMP et dirigeant de la campagne mariniste. Une porte que M. Fillon s’est efforcé de fermer au plus vite en disant qu’il voterait pour sa part en faveur d’Emmanuel Macron.