Benoît Hamon le 23 avril. | Ivan Guilbert/ COSMOS POUR LE MONDE

Il a bu le calice jusqu’à la lie. Benoît Hamon termine à la cinquième place du premier tour de l’élection présidentielle. Avec 6,3 % des suffrages exprimés, il descend à un niveau que la gauche socialiste n’avait plus connu depuis Gaston Deferre en 1969 (5,01 %). « La gauche n’est pas morte, je sais que vous n’attendez pas une recomposition d’appareil, les arrangements d’un vieux monde politicien. Vous me l’avez dit, vous attendez une renaissance. Ce soir elle est douloureuse, demain elle sera féconde », a-t-il déclaré, peu après 20 heures, devant ses partisans réunis à la Mutualité, à Paris. Dans la foule, beaucoup sont sonnés, certains visages pleurent, d’autres expriment leur colère devant ce nouveau 21 avril.

Comme Lionel Jospin il y a quinze ans, Benoît Hamon appelle à faire battre l’extrême droite : « Il nous faut être à la hauteur du moment. J’appelle donc à battre le plus fortement possible le Front national, à battre l’extrême droite en votant pour Emmanuel Macron, même si celui-ci n’appartient pas à la gauche et n’a pas vocation à la représenter demain. »

Campagne compliquée

Cette consigne de vote, empreinte de réserves sur le pedigree du candidat d’En marche !, illustre bien le piège dans lequel le candidat socialiste s’est enferré au fur et à mesure d’une campagne compliquée. Vainqueur triomphant de la primaire face à Manuel Valls, il n’a pas réussi à prolonger la dynamique au delà du mois de janvier. Plombé par une négociation interminable avec Yannick Jadot, le candidat d’Europe-Ecologie-Les Verts, il a donné l’impression d’être davantage à la manœuvre dans des accords d’appareil qu’en campagne.

Il a été impuissant face à l’ascension d’Emmanuel Macron, l’ex-conseiller de François Hollande, porteur de la tendance social libérale en vogue à l’Elysée pendant le quinquennat, qu’il avait personnellement combattue. Dans le même temps, il a vu la gauche radicale incarnée par Jean-Luc Mélenchon le doubler. Alors que certains cadres socialistes appelaient le candidat de la France insoumise à se retirer début février, quand les sondages étaient encore cléments avec le PS, l’argument du vote utile s’est peu à peu retourné contre Benoît Hamon.

Heures cruciales

Ironie de l’histoire, celui qui avait participé à la « fronde » des députés PS contre François Hollande a vu une partie de son camp se désolidariser de sa campagne. Certains, comme l’ancien premier ministre Manuel Valls, ont même appelé à voter Emmanuel Macron. La fin de campagne ressemblait ces derniers jours à un véritable calvaire pour Benoît Hamon.

Après l’échec de cette candidature, le PS va vivre des heures cruciales pour son avenir. Le débat sur la ligne politique, tranché par la primaire, est à nouveau ouvert, et l’unité du parti d’Epinay n’a jamais semblé aussi précaire. Les élections législatives qui arrivent sont à double tranchant. Avec un score correct, Solférino pourrait sauver les meubles et se retrouver dans une position de faire basculer des majorités à l’Assemblée nationale. Mais si le score de Benoît Hamon se reflète aux législatives, cela pourrait signifier la marginalisation durable de la social-démocratie en France.

Consciente du risque, la direction du parti a convoqué dès lundi matin une réunion du Bureau national. L’une des conditions de la survie est avant tout de faire bloc. La soirée électorale du 23 avril a montré tout le chemin à parcourir. Dans l’assistance, des militants du MJS et des journalistes. Les cadres du parti, à l’exception de quelques proches de Benoît Hamon, ont préféré rester chez eux.