Emmanuel Macron prononce un discours après son arrivée en tête du premier tour de la présidentielle française, le 23 avril 2017. | PHILIPPE WOJAZER / REUTERS

« Macron Presideeeeeent !!!! » Les militants d’En marche ! Belgique, ont laissé éclater leur joie, dans la soirée de dimanche 24 avril, à l’annonce des résultats du premier tour de la présidentielle française, qui a vu leur candidat Emmanuel Macron – arrivé en tête – et la présidente du Front national (FN) Marine Le Pen se qualifier pour le second tour dimanche 7 mai. Ils se sont entassés dans le James Joyce, un des nombreux pubs irlandais bordant la Commission, dans le quartier européen de Bruxelles. Tout un symbole pour le seule candidat europhile revendiqué de cette campagne présidentielle française.

Les fonctionnaires de la Commission européenne sont venus en force. Alain, « référent » du mouvement En marche ! depuis déjà quelques mois dans la commune de Saint-Gilles (sud de Bruxelles), est, comme tous les autres, enthousiaste, ému, soulagé. « On a trouvé notre Kennedy, c’est la nouvelle frontière pour la France et l’Europe qui va pouvoir commencer ! ». Comme tant d’autres à Bruxelles, Alain attend beaucoup de la France pour contribuer avec l’Allemagne à la relance d’un projet européen en crise, gravement fragilisé par le Brexit.

José Freitas, un de ses collègues à la Commission, n’a pas pu voter : il est Portugais, mais il est lui aussi aux anges : « C’est magnifique, c’est fantastique ce qui vient de se passer. Cela va changer la dynamique européenne. Vous voyez, on a déjà vu aux Pays-Bas [où, lors des législatives, mi-mars, le parti d’extrême droite n’est pas arrivé en tête]. » A les en croire, si toute la Commission avait pu voter, elle aurait donné sa voix à M. Macron. Margaritis Schinas, le chef des porte-parole de la Commission a d’ailleurs fait savoir sur Twitter que Jean-Claude Juncker, le président de l’institution communautaire, avait félicité l’ancien locataire de Bercy.

« Macron n’a pas l’Europe honteuse »

 « On n’a pas encore gagné, dans les 15 prochains jours, Le Pen va faire une campagne très dure », prévient Pieyre-Alexandre Anglade, le référend d’En marche ! Belgique (1 500 membres revendiqués). A 30 ans tout juste, il est assistant parlementaire du vice-président du groupe des libéraux au Parlement européen, le Tchèque Pavel Telicka. « Avec Le Pen, ils vont s’affronter sur l’Europe. Macron n’a pas l’Europe honteuse, mais chevillée au corps », insiste-t-il. Mais l’entreprenant jeune homme n’est pas sûr qu’un passage à Bruxelles de l’ex-banquier dans l’entre-deux-tours serait une bonne idée. De fait, les institutions européennes ont une image vraiment trop dégradée en France.

Depuis des semaines, même s’ils ont refusé d’en faire ouvertement état, les dirigeants des institutions de l’Union européenne (UE) pariaient sur une victoire de M. Macron, le seul à proposer une relance du projet commun, sans table rase et sans bras de fer annoncé avec Berlin. A la Commission et au Conseil (la réunion des dirigeants des pays membres), on refusait toute idée d’un « plan B » ou de mesures d’urgence, même si des sondages semblaient très favorables à Marine Le Pen, qui prône un « Frexit » (rupture entre la France et l’UE), probable prélude à une implosion du projet européen.

Au Conseil européen, le président polonais Donald Tusk a appelé à « défier les populistes ». A la Commission, Jean-Claude Juncker disait clairement son hostilité à l’extrême droite tout en estimant que son éventuelle victoire ne signifierait pas la fin de l’Europe.

« Serrer les rangs contre le populisme »

Bruxelles mise désormais ouvertement sur une défaite de Mme Le Pen et pourra dire qu’elle signifiera « 3 pour l’Europe, 0 pour les populistes ». La formule était préparée de longue date et fait allusion à l’échec de Norbert Hofer à la présidentielle autrichienne en 2016 et de Geert Wilders, le dirigeant du Parti pour la liberté, aux législatives néerlandaises, en mars.

Au Parlement européen aussi, le score de M. Macron a été accueilli avec un grand soulagement par les principaux groupes politiques, inquiets après le Brexit d’assister à une nouvelle victoire des populistes. « Au deuxième tour, le choix est maintenant entre le futur et le passé, entre un oui ou un non à l’Europe. Tous les démocrates doivent serrer les rangs contre le populisme », a déclaré dimanche l’Allemand Manfred Weber, patron du groupe des conservateurs.

Les élus sociaux démocrates se disent toutefois soucieux de tirer les leçons d’une élection qui, quelle qu’en soit l’issue finale, aura signifié une remise en cause du fonctionnement actuel de l’Union. Chez les plus optimistes, le score de M. Macron suscite ­désormais l’espoir d’une relance européenne, dont ­le leader d’En marche ! serait l’un des principaux animateurs. A Bruxelles comme à Berlin, il y a une prise de conscience que le statu quo européen, insatisfaisant, n’est plus tenable.

La publication, mercredi 26 avril, par la Commission Juncker, d’un « socle des droits sociaux », est à cet égard parfaitement calculée. Il s’agira d’une liste – non contraignante – de mesures que les Européens devraient collectivement adopter pour en finir avec les divergences (salariales, de conditions de travail) devenues trop fortes dans l’UE en raison de la crise. Ces dix dernières années, le social fut un des grand oubliés de Bruxelles. La volonté d’envoyer un signal aux « oubliés de la mondialisation » est manifeste.