De toutes les régions du monde, l’Afrique subsaharienne se place dernière en matière d’infrastructures. Un mal récurrent que les experts de la Banque mondiale ont tenté d’analyser dans la dernière édition du rapport « Africa Pulse », paru mercredi 19 avril.

2016 a été une année noire pour les économies d’Afrique subsaharienne : la région a enregistré son plus faible taux de croissance depuis plus de deux décennies. Un léger rebond serait à prévoir pour 2017 (+2,6 %), selon les auteurs du rapport. Mais cette croissance, à peine supérieure à la croissance démographique, ne suffira pas à envisager cette année une réduction de la pauvreté à l’échelle de la région.

Parmi les causes invoquées par les analystes, le sous-équipement chronique en matière d’infrastructures : « Les contraintes géographiques de l’Afrique subsaharienne se traduisent par des coûts de transport élevés qui freinent les échanges intra et interrégionaux », expliquent-ils. La densité du réseau routier a même globalement baissé depuis vingt ans. Une exception dans les régions en voie de développement.

Investisseurs « refroidis »

Les carences de l’approvisionnement en énergie refroidissent également les investisseurs. « La capacité de production d’électricité de la région ne s’est pas améliorée depuis plus de vingt ans, constate le rapport. L’accès à l’électricité est limité, avec seulement 35 % de la population, et un taux d’accès dans les zones rurales n’atteignant qu’environ un septième de celui des zones urbaines. »

En revanche, la densité du réseau de télécommunications a fortement progressé sur la même période, passant de trois lignes téléphoniques pour 1 000 habitants en 1990, à 736 en 2014. Il en va de même pour la couverture Internet, qui a gagné en densité comme en qualité depuis dix ans.

Afin de pallier les carences des réseaux d’infrastructures, les analystes de la Banque mondiale soulignent la nécessité d’augmenter les investissements. Notamment de la part des Etats africains : « L’aide étrangère continue de jouer un rôle important dans certains des sous-secteurs de l’infrastructure », bien que « la part des allocations budgétaires d’investissement financées par l’aide extérieure soit passée de 39 % en 2009 à 36 % en 2015. »

Avec 30 % d’investissements venus de l’étranger, le secteur routier est le moins dépendant de l’aide extérieure. Mais « les données suggèrent cependant que le recours accru au financement étranger pourrait détourner les dépenses nationales de ce secteur, le rendant ainsi particulièrement vulnérable à la baisse soudaine du volume de l’aide, comme en 2015, ainsi qu’à l’imprévisibilité du financement, comportement typique de ces interventions. »

« Sous-exécution » ou l’absence de réalisation concrète

Par ailleurs, une part non négligeable des sommes investies, quelle que soit leur origine, ne trouve pas de réalisation concrète. C’est ce qui est appelé la « sous-exécution ». Entre 2009 et 2015, le phénomène concernerait 30 % des dépenses en infrastructures de l’Afrique subsaharienne. « Soit près de 1 % du PIB [de la région] non dépensé, chaque année », rappelle le rapport.

Le secteur routier est la première victime de la « sous-exécution » : il concentre à lui seul les deux tiers du total des sommes évaporées. « Cette situation est particulièrement inquiétante, car la plupart des ressources intérieures sont mobilisées pour le réseau routier, les dépenses d’investissement dans les secteurs de l’électricité, de l’eau et de l’assainissement étant encore dominées par l’aide étrangère », précisent les analystes de la Banque mondiale.

Parmi les causes potentielles de cette « sous-exécution » : des « lacunes de mise en œuvre » notamment dues à des « systèmes de passation de marché inefficaces », ainsi qu’à une « corruption omniprésente conjuguée à une absence de responsabilisation » des fonctionnaires. Selon les auteurs du rapport, la qualité des dépenses d’infrastructures dépend avant tout de la solidité des institutions : « Il n’est pas surprenant que notre analyse ait montré une corrélation (…) entre le niveau de sous-exécution des projets d’investissement et le niveau de gouvernance », concluent-ils.