A l’annonce des estimations donnant Emmanuel Macron en tête du premier tour, les partisans d’En marche ! explosent de joie. | ULRICH LEBEUF / MYOP POUR LE MONDE

« Cinq, quatre, trois, deux, un… » L’espace de quelques secondes, massés les uns contre les autres, ils retiennent leur souffle. Les cris de joie éclatent enfin lorsque le visage d’Emmanuel Macron apparaît sur l’écran. Il est 20 heures, dimanche 23 avril de premier tour de la présidentielle.

Sympathisants et militants toulousains d’En Marche ! se sont donné rendez-vous au J’GO, un bar branché du centre de la ville rose pour fêter une victoire qu’ils attendaient depuis des mois. « On l’a fait, on l’a fait ! », répète un quinquagénaire en chemise et blazer, fébrile. Sous les ballons, devant les posters du candidat, on s’embrasse, s’enlace, certains essuient même quelques larmes avant de trinquer. « On a gagné, on a gagné », hurle-t-on déjà en cœur, suivi de « Macron, président ! Macron président ! ».

« C’est sûr qu’il sera président »

Référent départemental d’En marche ! en Haute-Garonne, Mickaël Nogal, 26 ans – qui a présenté sa candidature à l’investiture aux législatives –, accole les militants, accueilli en vainqueur local. Dans le département, le mouvement revendique quelque 7 000 adhérents. « C’est beaucoup d’émotion », dit le jeune toulousain engagé derrière M. Macron depuis deux ans maintenant, saluant « tout le travail collectif fourni par les militants depuis des mois ». « C’est le diagnostic et le projet qu’on avait faits au départ qui ont été plébiscités par les Français », fait-il valoir, convaincu « qu’on assiste ce soir à une refondation de la vie politique française ».

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Verre de vin blanc à la main, Marina B., 35 ans, fonctionnaire à la mairie de Toulouse, est à la fois « ravie » et « soulagée ». « Là, c’est sûr qu’il sera président, avec tous les reports de voix », s’enthousiasme déjà la jeune femme blonde. Elle a adhéré au mouvement en début d’année, après avoir découvert un meeting. C’était le 7 janvier, jour de son anniversaire, elle n’est pas prête d’oublier. C’est la première fois que quelqu’un lui donnait envie de s’engager. Pour son « éloquence » avant tout, sa « jeunesse », mais aussi le « renouveau » qu’il portait. Côté programme, elle citerait surtout « ses mesures pour l’éducation et pour la formation ». Marina se souvient du message qu’elle avait posté sur Facebook, « j’ai toujours raison », accompagné du hashtag « #coming-out ». « Je m’étais bien fait chambrer par mes potes, mais oui, j’avais raison ! », s’amuse-t-elle dimanche soir.

Dimanche matin encore, elle craignait que la présidente du Front national (FN) Marine Le Pen ne parvienne à se hisser devant M. Macron, de quelques points. Même s’il est finalement en deuxième position à l’issue du premier tour, voir le parti d’extrême droite présent au second tour et « aussi haut », ça lui fait quand même « quelque chose ».

Marina est de « cette génération » qui n’oubliera jamais le 21 avril 2002, lorsque le fondateur du FN Jean-Marie Le Pen s’était qualifié pour le second tour de la présidentielle face au candidat de la droite Jacques Chirac. Elle avait vingt ans, c’était son premier vote, « une claque ». Elle se souvient des manifestations à Toulouse pour crier « plus jamais ça ».

Faire campagne « jusqu’au bout »

Dans le bar, les hourras victorieux reprennent au fur et à mesure des ralliements à M. Macron annoncés à l’écran. Ça repart de plus belle lorsque le candidat des Républicains François Fillon appelle à voter pour l’ancien ministre de l’économie.

Pour Damien V., 34 ans, chemise bleue, directeur adjoint d’une association toulousaine et animateur d’un comité local d’En marche !, dimanche soir c’est aussi un peu de pression qui retombe, après six mois « à fond ». Depuis qu’il a adhéré au mouvement, ce fils d’artisans a milité « tous les jours » : « matin, midi et soir ». Il faut dire que M. Macron, il l’attendait. « Il ressemble à ce que je veux de la politique depuis que je suis en âge de voter », explique celui qui a « toujours eu des idées au centre ». « Le déclic pour Macron », il l’a eu grâce à son frère aîné.

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« Maintenant faut rien lâcher », estime, au milieu de ses amis, Jad, doctorant en économie de 23 ans, tee-shirt jaune floqué « Macron président ». « Fier de la campagne menée » et du chemin parcouru - « quand j’ai adhéré, les sondages ne le donnaient même pas au second tour » - l’étudiant franco-libanais estime toutefois, main sur le cœur, qu’il faut rester vigilant et ne pas penser que c’est déjà gagné. Quand il a vu s’afficher le visage de Macron, il était heureux, bien sûr. « Mais après tu vois aussi celui de Marine Le Pen, et tu te dis que quelque chose va quand même mal », témoigne-t-il. Et le vote pour le Brexit, au Royaume-Uni, et l’élection de Donald Trump, aux Etats-Unis, lui ont appris que « tout peut se passer ». Le militant va donc continuer à faire campagne « jusqu’au bout » pendant les deux prochaines semaines.

« Un projet totalement neuf »

« Maintenant, tout le travail est devant nous », acquiesce, à la table derrière, Aline J., 51 ans, pharmacienne, venue célébrer la victoire avec son père, Marcel G., retraité de 77 ans. Parce qu’« on n’allait pas rester seuls devant la télé ! », dit-elle. Cette sympathisante d’En Marche, mère de trois enfants, avait jusque-là « toujours voté PS ». Elle s’est tournée vers M. Macron après la primaire à gauche. Car le candidat socialiste Benoît Hamon – arrivé en cinquième position dimanche – très peu pour elle. « Il n’a pas un programme présidentiel. Il représente une gauche dissidente, pas une gauche de pouvoir ». Si ça avait été l’ancien premier ministre Manuel Valls, elle l’aurait soutenu.

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Marcel, lui, n’a « plus confiance dans le PS », et en veut au parti d’avoir mis en place le système des primaires. Pourtant, Dieu sait qu’il y a longtemps cru : en 1981, il fêtait la victoire de du socialiste François Mitterrand place de la Bastille, à Paris. Pour cet ancien professeur de mathématiques, l’essentiel est désormais de construire l’après : « ce sera important de construire une majorité d’idées », estime-t-il.

A Toulouse, dans le bar Le JGO, le QG des militants du mouvement En marche !, à l’annonce du résultat du premier tour, le 23 avril. | ULRICH LEBEUF / MYOP POUR LE MONDE

Assis un peu plus au calme du brouhaha, Corinne et Philippe M., un couple de trentenaires qui attend son premier enfant, savourent eux aussi la victoire de leur candidat, ravis « que presque un quart des électeurs ait adhéré à un projet totalement neuf ». Elle est enseignante en DUT de carrières juridiques, lui est ingénieur chez Airbus. Sur l’écran plat, ils suivent avec attention les prises de parole des uns et des autres. Ils ont trouvé la réaction de M. Hamon « digne », et ne s’attendaient pas au ralliement de M. Fillon.

Après avoir fait « la girouette », adhéré un temps au Parti radical de gauche (PRG), le duo, qui se définit comme « plutôt à gauche », a le sentiment de s’être enfin trouvé avec En marche !. Ce qui leur a d’emblée plu, « c’est la participation de la société civile, le fait que ça parte des gens ». Depuis leur adhésion en début d’année, ils tractent tous les samedis et participent en semaine à des réunions de groupes locaux. « C’est la première fois qu’on croit autant dans un projet et que quelqu’un nous donne envie de militer », s’enthousiasme Corinne. « Et on ne va pas s’arrêter là, promettent-ils. On va continuer, jusqu’aux législatives. »