Les supporteurs de Luzenac, lors d’une rencontre en 2014. | REMY GABALDA / AFP

Il y a déjà trois ans que le club ariégeois de Luzenac s’est vu refuser la promotion en Ligue 2, recalé comme un noceur trop négligé à l’entrée d’une boîte de nuit. Pour des raisons financières dans un premier temps, puis pour l’incompatibilité du stade dans lequel il entendait jouer. Parce que « le foot business » ne voulait pas d’eux, résume le club amateur. Mardi, le feuilleton qui a opposé, le temps d’un été, le petit club des Pyrénées aux instances parisiennes du football français, trouvera son épilogue devant le tribunal administratif de Toulouse.

Les avocats de la Fédération française de football (FFF) et de la Ligue de football professionnel (LFP) défendent, mardi 25 avril après-midi, le bien-fondé de leurs décisions de l’été 2014, face au président de l’époque, l’entrepreneur toulousain Jérôme Ducros. Les bancs de la salle 2 du tribunal toulousain seront occupés par de nombreux supporteurs ariégeois, venus de ce village de quelque 500 habitants aussi connu pour sa carrière de talc. « On arrive au bout du bout », admet Jérôme Ducros.

Il attend de la justice administrative qu’elle joue les médecins réanimateurs. « L’équipe une est en sommeil », dit-il au sujet de la formation qui, en 2014, aurait dû monter en deuxième division. Au lieu de quoi le LAP (Luzenac Ariège Pyrénées) a dû repartir au septième échelon du football français, en division d’honneur régionale, loin des stades d’Auxerre, Troyes ou Valenciennes qu’elle pensait découvrir. Depuis lors, il appelle cette équipe « la deux ». Le week-end dernier, elle a rejoint Blagnac en tête de sa poule de division d’honneur. La saison prochaine pourrait donc voir Luzenac retrouver le niveau national, en CFA 2. Là où l’équipe première évoluait en 2004.

Le budget du club amateur est désormais de 175 000 euros, ce qui signifie qu’il va mieux qu’après la dégringolade, mais ne côtoie plus les mêmes sphères qu’à l’époque du semi-professionnalisme, quand il tournait autour de 2,5 millions.

Cinq recours contre la LFP et la FFF

Les chances de voir la SASP (Société anonyme sportive professionnelle) du club de Luzenac réintégrée dans un championnat comme la Ligue 2 ou le National sont minces, deux ans après le dépôt de cinq recours contre les décisions de la FFF et de la LFP.

Dans le détail, elle demande :

  • l’annulation de la décision de la DNCG (Direction nationale du contrôle de gestion) qui avait dans un premier temps recalé la montée de Luzenac pour un déficit de 800 000 euros, finalement couvert par Jérôme Ducros. Une décision déjà suspendue en référé à l’époque et inversée par la commission d’appel de la DNCG ;
  • l’annulation de la décision de la LFP du 8 août 2014, qui refusa la montée en Ligue 2 au club, estimant que le stade Ernest-Wallon de Toulouse ne pouvait convenablement héberger un club de Ligue 2 ;
  • l’annulation de la décision de la LFP du 27 août, qui refusait en troisième instance la montée en Ligue 2 malgré le soutien du maire de Toulouse, proposant d’accueillir Luzenac au Stadium le temps d’opérer les travaux nécessaires à Ernest-Wallon ;
  • une indemnisation auprès de la FFF et de la LFP.

La LFP, dont la direction a changé depuis, ne souhaite pas faire de commentaire avant l’audience. La FFF considère avoir respecté toutes ses procédures et rappelle que sa DNCG avait donné un avis favorable à la montée en Ligue 2 la veille de la reprise du championnat.

Depuis trois ans, Jérôme Ducros et son partenaire Fabien Barthez maintiennent en vie la SASP dans l’espoir qu’elle soit indemnisée, voire réinstallée sportivement.

« Pas de folie des grandeurs »

Henri Lacaze, dirigeant du club depuis des décennies et actuel vice-président du Luzenac AP, en attend plus modestement « une réhabilitation morale, plus que l’aspect financier ».

« Le club de Luzenac a été victime d’un petit meurtre entre amis. La plaie n’est pas totalement refermée. Ce serait une satisfaction que les avocats de Ducros obtiennent gain de cause, après avoir goûté aux affres du “professionnalisme business”. Mais pas de folie des grandeurs, il ne s’agit pas de repartir en Ligue 2. »

Ce scénario, Jérôme Ducros ne l’écarte pas. Celui dont les oreilles ont parfois sifflé sur les bords de l’Ariège, pour s’être trop longtemps accroché à la Ligue 2 en écartant l’option de repartir en National, garde des ambitions sportives.

« On peut très bien repartir. A travers l’annulation des procédures, on demande automatiquement notre statut, c’est-à-dire la réintégration en Ligue 2. Après, on n’est pas idiot, on sait bien qu’on ne peut pas assumer un championnat de Ligue 2 dans trois mois. Mais en National, pourquoi pas ? »

« La reconnaissance de notre intégrité »

Sur le plan comptable, il réclame « des dizaines de millions d’euros » après avoir fait le compte du coût d’une trentaine de licenciements et du départ pour rien des principaux joueurs du LAP, dont certains évoluent aujourd’hui en Ligue 2.

La « reconnaissance de notre intégrité » serait toutefois une victoire suffisante, estime Jérôme Ducros, touché par « les cochonneries » dites à l’époque sur l’impréparation du LAP et le rappel de ses propres turpitudes : une affaire de fausses licences dans un club toulousain qu’il présidait, lui ayant valu six mois de suspension de toutes fonctions officielles en 2013.

Quatre ans après, l’ancien président comme les supporteurs de Luzenac n’ont pas abandonné leur interprétation politique de l’épisode : « les gens du terroir » ont été rejetés par « le foot business ». Preuve en est selon eux l’indulgence de la DNCG, au même moment, vis-à-vis des situations financières catastrophiques de Valenciennes et Lens, deux clubs dont les dirigeants pesaient dans les instances.

Les mois prochains, la DNCG et la LFP pourraient être amenées à étudier les dossiers de Quevilly-Rouen et Lyon Duchère, prétendants à la montée en Ligue 2. Deux petits clubs, sans stade aux normes ni expérience du professionnalisme. La décision du tribunal de Toulouse pourrait inciter les instances à se montrer plus souples qu’il y a trois ans ou, à l’inverse, tout aussi intransigeantes.