Le procès de Marcel Ruffet, soupçonné d’avoir assassiné à coups de fusil en 2015 trois membres d’une même famille et un gendarme dans un camp de gens du voyage à Roye (Somme), s’ouvre mardi 25 avril devant la cour d’assises d’Amiens.

Le 25 août 2015, ce forain de 74 ans, en « rage » pour de nébuleuses raisons, ouvre le feu sur une famille dans ce camp où il vivait. Puis, avec 2,29 g d’alcool dans le sang, il tire sur les forces de l’ordre alertées par les coups de feu. Bilan : quatre morts, Michel Baumgaertner, 46 ans, sa petite-fille Lovely, 8 mois, sa belle-fille Mallaurie, 19 ans, et un gendarme Laurent Pruvot, 44 ans, ainsi que deux blessés graves.

Immobilisé par des tirs de gendarmes, le suspect est pris en charge par les pompiers à qui il demande avec « froideur » et « insistance » combien de personnes il a tué. Il ne formule aucun regret, décrivant les victimes comme des « merdes ».

« Tout l’enjeu de l’audience sera de comprendre ce qui a pu amener Ruffet à commettre ces faits. Elle ne sera jamais en proportion de la gravité de ce qu’il a fait, mais il y a forcément une raison », estime Me Guillaume Demarcq, avocat de l’accusé.

Aucun regret exprimé, sauf pour le gendarme

Vingt mois après cette tuerie, le mobile de l’accusé, dédouané de toute « anomalie mentale ou psychique » selon les expertises, demeure en effet très flou. L’enquête révèle bien des tensions entre l’accusé et la communauté des gens du voyage liées à une dispute remontant à juin 2014 entre Michel Baumgaertner et Marcel Ruffet, mais les causes sont indéterminées. Seul un point de discorde concret est soulevé par l’instruction : les branchements à l’eau et à l’électricité.

Ainsi, ce 25 août, c’est lorsqu’il remarque que Michel Baumgaertner a retiré son branchement pour y mettre le sien, que, furieux, il serait remonté dans sa caravane chercher son fusil dans l’intention de tuer le père et ses trois fils.

« Ces gens-là » étaient de la « pourriture », de la « racaille », dira Ruffet aux enquêteurs, ajoutant être content d’avoir « crevé » ces « parasites ».

« Il est dans la revendication provocatrice, Ruffet a un mépris de la nature humaine. La gamine, il l’a descendue dans son lit papillon, il l’a flinguée à bout portant ! », s’emporte l’avocat de la famille décimée, Me Jérôme Crepin. Au cours de l’instruction, Ruffet répète qu’il ne « regrette rien » sauf « pour le gendarme », affirmant qu’il ne savait pas qu’il en était un.

Le blocage de l’autoroute A1

Dans l’aire d’accueil communale où vivait depuis plusieurs années une quarantaine de gens du voyage semi-sédentarisés, l’ambiance était décrite comme « bonne » et Ruffet comme une personne ne posant pas de difficultés.

Huitième enfant d’une fratrie de treize, l’accusé a grandi dans une famille de forains en Picardie où il est allé à l’école jusqu’à « 12-14 ans ». Il a eu quatre enfants, dont l’un décédé d’un accident de voiture en 2008. Son ex-épouse décrit un homme « autoritaire » et ses enfants une personne « alcoolique », « très violente », sa fille parlant même d’« un monstre ». Des proches évoquent aussi un homme « solitaire », passionné de chasse et de pêche, qui avait des « coups de sang », mais qui était aussi « droit » et « courageux ».

Cette tuerie avait débouché sur le blocage de l’autoroute A1 par des gens du voyage de Roye, au plus fort des retours de congés fin août 2015. Ils exigeaient la remise en liberté du fils de Michel Baumgaertner ainsi qu’un proche, le temps d’assister aux funérailles. Dix des auteurs du blocage avaient été condamnés en février 2016 à des peines allant de quatre à 18 mois ferme, sans mandat de dépôt. Le procès doit s’achever le 5 mai.