Sur le littoral de Saint-Michel-en-Grève (Côtes-d’Armor), en mai 2011. | CYRIL FOLLIOT / AFP

Le littoral de Bretagne enregistre le pire début de saison des marées vertes depuis 2009, avec des échouages massifs et extrêmement précoces. Le 19 avril, une plage des Côtes-d’Armor, entre Plouézec et Plouha, était déjà fermée, envahie par un épais tapis d’algues séchant au soleil. Dans les anses de Concarneau, Douarnenez et Saint-Brieuc, les proliférations d’ulves se sont produites dès le mois de janvier. Les ramassages ont déjà commencé alors qu’ils avaient démarré à la mi-mai les deux années précédentes. On a par exemple retiré de la profonde baie de Saint-Michel-en-Grève (Côtes-d’Armor) 240 tonnes le 5 avril, plus de 1 600 t (2 055 m3) au total depuis début 2017.

Il s’agit d’une mauvaise nouvelle pour le littoral breton alors que la tendance moyenne était plutôt à la baisse depuis 2010. Chaque année, ce sont entre 30 000 et 70 000 t que les collectivités locales de la région font ramasser sur leurs plages. Certaines vivent au rythme entêtant des tractopelles à marée basse, d’autres sont complètement épargnées. Il est trop tôt pour pronostiquer ce qu’il en sera cet été, mais le Centre d’étude et de valorisation des algues (CEVA), qui analyse et surveille le phénomène depuis 2001, avait bien prévenu : le printemps s’annonçait sous de mauvais augures.

Plan de 114 millions d’euros

Les marées vertes actuelles correspondent aux fortes concentrations d’algues observées en octobre-novembre 2016, elles-mêmes dopées par un printemps précédent pluvieux. Les ulves sont restées à végéter dans les baies à une taille réduite durant cet hiver calme et ensoleillé, avant de bénéficier du coup de pouce des nitrates issus de l’agriculture intensive en mars-avril. « Même s’il reste quelques subtilités, il n’y a plus aucun mystère sur les paramètres qui conduisent à des proliférations plus ou moins prononcées », résume Sylvain Ballu, chargé de ce dossier épineux au CEVA.

Les conditions météorologiques déterminent en partie l’intensité des phénomènes d’efflorescences (blooms en anglais) d’algues, à côté des célèbres nitrates qui jouent le rôle d’engrais. Ces dérivés de l’azote présent en particulier dans les parcelles cultivées sont patiemment entraînés jusqu’au littoral par une eau qui a séjourné dans les nappes souterraines. « Environ la moitié de cette eau a moins de dix ans, mais une petite partie peut mettre cinquante ans pour arriver à la mer », précise le scientifique. Autrement dit, la Bretagne paie l’héritage de ses pratiques agricoles passées.

La région a conduit un plan algues vertes entre 2011 et 2016. Contribution de l’Etat y compris, ce sont 114 millions d’euros qui ont ainsi été mis sur la table. L’essentiel des actions a consisté à accompagner les agriculteurs dans l’amélioration de leurs pratiques. Le bilan de ce programme indique que 80 % d’entre eux se sont portés volontaires. Cependant, les trois quarts des crédits n’ont pas été consommés.

Réduction des nitrates

« La qualité de l’eau s’améliore en gros de 30 % : on a réduit les nitrates de 15 milligrammes par litre à 20 mg/l dans presque toutes les rivières, sauf dans quelques ruisseaux côtiers, assure Thierry Burlot, vice-président du conseil régional chargé de l’environnement. Le bio gagne du terrain [les fermes bio représentent aujourd’hui 6,7 % des exploitations bretonnes contre 2,8 % au 1er janvier 2009]. Nous sommes cités en exemple par la Commission européenne ! », se targue-t-il, en reconnaissant que, crise oblige, les cheptels ont légèrement baissé dans les élevages de la région.

Un deuxième plan 2017-2021 devrait être prochainement lancé. Le premier a donné lieu à des critiques, notamment de la part des membres du Conseil scientifique de l’environnement de Bretagne (CSEB), qui étaient chargés de formuler un avis indépendant. Certains ont dénoncé le flou des mesures d’azote, d’autres le manque de fermeté vis-à-vis des agriculteurs récalcitrants. « En Wallonie, on supprime les primes européennes aux exploitants qui dépassent les taux d’azote acceptables trois ans de suite », souligne Pierre Aurousseau, professeur à l’Agrocampus Ouest à Rennes et président du CSEB. Son organisation a été remerciée et remplacée par une autre, créée par la région.