Depuis début avril, l’opposition vénézuélienne multiplie les manifestations contre le président Nicolas Maduro, à Caracas et en province. La répression a provoqué la mort d’au moins 26 personnes, la plupart tuées par balles, attribuées aux « collectifs », des groupes paramilitaires partisans du régime. « Au Venezuela, la dissidence est interdite », dénonce Amnesty International, à l’occasion d’un rapport sur les détentions politiques arbitraires, diffusé mercredi 26 avril.

L’organisation non gouvernementale de défense des droits de l’homme critique les actions illégales commises par le gouvernement vénézuélien pour réprimer la liberté d’expression et de manifestation. « Au lieu de s’obstiner à faire taire toute voix dissidente, les autorités vénézuéliennes devraient se concentrer sur la recherche de solutions concrètes et durables à la crise profonde à laquelle le pays est confronté », estime Erika Guevara Rosas, directrice d’Amnesty International pour les Amériques.

Les Vénézuéliens connaissent une crise humanitaire, en raison des pénuries d’aliments et de médicaments, aggravées par la récession, l’hyperinflation et la dévaluation des salaires. Le gouvernement Maduro refuse l’aide internationale ou du secours catholique (Caritas), pour ne pas reconnaître la catastrophe provoquée par sa politique économique. Outre les protestations politiques, on assiste à des explosions sociales ponctuelles et localisées, comme le pillage d’une boulangerie et d’autres magasins à El Valle, quartier pauvre de Caracas, le 20 avril, qui s’est soldé par douze morts.

L’opposition réclame l’ouverture d’un « canal humanitaire », pour faire parvenir l’aide internationale aux plus démunis. Les trois autres revendications sont la tenue d’élections, la libération des prisonniers politiques et le respect de l’indépendance de l’Assemblée nationale, contrôlée par l’opposition depuis sa victoire aux législatives de décembre 2015.

Dénonciation du jugement de civils par la justice militaire

Amnesty International dénonce les arrestations sans mandat auxquelles procède le Service bolivarien de renseignement (Sebin), la police politique. Yon Goicoechea est un ancien leader du mouvement étudiant et dirigeant du parti Volonté populaire (VP, membre de l’Internationale socialiste). Arrêté le 29 août 2016, il a été emmené à El Helicoide, le siège du Sebin à Caracas. Le parquet n’a pas trouvé d’éléments pour engager des poursuites et a donc demandé sa libération, le 20 octobre. Cependant, la police politique refuse d’obtempérer. Selon la procureure générale de la République, Luisa Ortega, « le Sebin est devenu un Etat parallèle ».

Amnesty International pointe du doigt également le cas du député Gilber Caro (VP) et Steicy Escalona, arrêtés à Caracas le 11 janvier 2017 par le Sebin. Le vice-président Tareck El Aissami a prétendu qu’ils avaient été trouvés avec une arme à feu et des explosifs. La jeune femme a été déférée devant un tribunal militaire, tandis que l’élu était incarcéré sans charges jusqu’à ce jour.

L’ONG considère que des civils ne devraient pas être jugés par la justice militaire, qui n’est ni indépendante ni impartiale. Dans la plupart des cas, les accusés sont poursuivis pour « trahison à la patrie », « terrorisme » ou « rébellion », qualifications qui permettent de recourir à la détention provisoire même sans preuves recevables pour étayer les charges.

Le Forum pénal vénézuélien, un réseau d’avocats, estime qu’il y a environ 150 prisonniers politiques. Leopoldo Lopez, le fondateur de Volonté populaire, est détenu depuis plus de trois ans à la prison militaire de Ramo Verde (à une heure de Caracas). A la suite des dernières manifestations, il a été placé en isolement, sans visites d’avocats ni de sa famille. Amnesty International s’est insurgé contre cette mesure de représailles.