La brasserie Bofinger, à Paris. | Leslie West/Photononstop

Que peut-on faire sans le bac ? A ceux qui se posent cette question avec angoisse, Olivier Bertrand apporte une réponse en or massif. Fonder un groupe puissant dans la restauration commerciale. Et le développer à marche forcée. L’entrepreneur autodidacte, qui revendique ses racines auvergnates, vient de frapper un nouveau coup dans ce milieu, en s’emparant du Groupe Flo. L’acquisition a été officialisée mardi 25 avril.

De quoi ajouter à Groupe Bertrand des enseignes comme Hippopotamus, Bistro Romain ou Maître Kanter, mais aussi quelques brasseries parisiennes historiques, à l’exemple de La Coupole, du Vaudeville, de Bofinger ou de Terminus Nord. Et, bien évidemment, la Brasserie Flo, qui a donné son nom au groupe. Soit un ensemble de 270 restaurants pesant, en 2016, un chiffre d’affaires de 246,8 millions d’euros.

Les comptes 2016 de Groupe Flo ont tardé à être déposés. Il est vrai que, depuis des mois, l’entreprise se débat dans de grandes difficultés économiques. Elle souffre d’asphyxie financière, avec une dette nette estimée à près de 72 millions d’euros. La désertion des touristes, avec la menace terroriste, a particulièrement affecté les brasseries très prisées de cette clientèle ces deux dernières années. La moindre fréquentation des restaurants par des Français touchés par la crise a aussi contribué au retrait du chiffre d’affaires.

Les discussions ont été intenses

A cela s’ajoutent des raisons plus inhérentes à Groupe Flo lui-même. Comme la chute de l’enseigne Bistro Romain, en décalage avec les attentes des clients ou la baisse de régime de l’enseigne Hippopotamus, qui n’a pas vu venir le tsunami du burger en France. Résultat, en 2014, le chiffre d’affaires a plongé de 9,6 %, puis de 6,1 % en 2015, avant de reculer encore de 9,9 % en 2016. Quant au résultat opérationnel, il a viré au rouge à partir de 2015. Et le résultat net affichait, en 2016, un déficit de 65,5 millions d’euros.

Avec cette opération, Olivier Bertrand est fidèle à son profil d’« opportuniste raisonné »

Sous la pression de ses actionnaires, Groupe Flo a annoncé, en novembre 2016, avoir obtenu l’ouverture d’une procédure de mandat ad hoc par le tribunal de Nanterre pour mieux négocier avec ses banques. Puis, ses actionnaires ont admis être prêts à céder l’affaire. En l’occurrence Financière Flo, qui détient 70 % du capital du groupe de restauration et dont l’un des principaux investisseurs est le milliardaire belge Albert Frère. Les créanciers avaient fixé la date butoir à la fin avril.

Les discussions ont été intenses avant la signature de l’accord définitif avec Groupe Bertrand, qui a remporté la mise. A l’issue des négociations, Groupe Flo conservera une dette bancaire de 15,4 millions d’euros. BNP Paribas et Banque Populaire Rives de Paris, qui ont accepté une réduction de 50 % de leur encours, seront les deux banques du groupe. Les autres bénéficieront d’un remboursement de 30 % de leurs encours, financé par un emprunt obligataire de 12,2 millions d’euros souscrit par Groupe Bertrand.

Situation favorable

Enfin, les actionnaires de Groupe Flo ont accepté de mettre à sa disposition un financement obligataire de 6,2 millions d’euros pour accompagner la transition. Une augmentation de capital d’un montant maximal de 72,3 millions d’euros sera lancée. Elle sera souscrite par Groupe Bertrand, qui détiendra entre 70 % et 98 % du capital. A condition que l’opération obtienne toutes les autorisations et en particulier le feu vert de l’Autorité de la concurrence.

Toutefois, l’acquéreur ne souhaitait pas garder l’intégralité de l’entreprise. Groupe Flo a annoncé être entré en négociations exclusives en vue de céder son enseigne Tablapizza au groupe breton Le Duff, propriétaire entre autres de Brioche Dorée et de Pizza Del Arte.

Boulimie

Avec cette opération, M. Bertrand est fidèle à son profil d’« opportuniste raisonné ». Il profite, une fois encore, d’une situation favorable à ses appétits pour étendre son activité. Il y a un an à peine, il avait repris les brasseries des Frères Blanc, avec ses célèbres restaurants parisiens comme Au Pied de cochon, aux Halles, le Flora Danica, sur les Champs-Elysées, ou Le Procope, qui revendique le titre de plus ancien café. Un an plus tôt, il avait raflé les 400 fast-foods Quick qu’il est en train de convertir en Burger King. Une franchise qu’il a décrochée en 2013 pour la France pour concurrencer le leader de la restauration rapide McDonald’s.

Résultat, Groupe Bertrand, qui a créé la chaîne de sandwicheries Bert’s, les brasseries Au Bureau et possède aussi les salons de thé Angelina ou la Brasserie Lipp, représente aujourd’hui un total des ventes sous ses enseignes de 1,3 milliard d’euros. L’ensemble regroupe 650 restaurants et emploie 11 000 salariés. Reste à M. Bertrand à démontrer qu’il saura redonner un nouveau souffle à Hippopotamus et aux brasseries de Groupe Flo. Et à ce que sa boulimie ne se transforme pas en indigestion.

Les chiffres

Groupe Bertrand

1,3 milliard

C’est, en euros, le chiffre d’affaires sous enseigne en 2016.

11 000

C’est le nombre d’employés que compte l’entreprise.

650

C’est le nombre de restaurants que détient Groupe Bertrand.

Groupe Flo

246,8 millions

C’est, en euros, le chiffre d’affaires de l’entreprise en 2016.

4 600

C’est le nombre d’employés que compte le groupe.

270

C’est le nombre de restaurants que détient le Groupe Flo.