Emmanuel Bex (organiste, compositeur) et David Lescot (texte et mise en scène) signent La Chose commune à L’Espace Cardin (avenue Gabriel, jusqu’au samedi 29 avril). Evocation gonflée de la Commune de Paris (mars–mai 1871): ce « printemps évident » selon Rimbaud, l’insurrection des insurrections, version récitatif, rap et musiques, par une troupe d’artistes complets. Oratorio ? Opéra–jazz ? Ecoutez, on aura tout le temps de discuter du style plus tard.

Pourquoi ? Parce qu’il s’agit d’un texte pensé, lu et relu, distribué à la perfection. Sur quel projet ? « Rassembler ce qui reste pour nous, et en nous, de la Commune… » (David Lescot, associant Bex à sa feuille de route). La Canaille, la chanson d’Alexis Bouvier sur laquelle s’appuie Bex, date de 1865. Depuis Jules Mercier (La Sainte Canaille, 1832), cent poèmes inversent l’insulte. Normal. Voir aujourd’hui « racaille » (Sarkozy, Le Pen, Philippot) et « caillera ».

Avant de massacrer sauvagement les Fédérés (semaine du 21 au 28 mai), le gouvernement s’est replié à Versailles – le Vichy d’alors. Thiers, chef bedonnant, donne son nom à mille rues, dans toute bonne ville de France. On peut le changer : Louise-Michel ou Elizabeth-Dimitrieff feront l’affaire.

La trique et le sang

La Commune, Guerre civile en France saisie à chaud par Marx, finit dans un bain de sang. Massacre des communards par les Versaillais, Semaine sanglante (du 21 au 28 mai 1871), les chevaux dérapent dans le sang que les caniveaux et les égoûts ne peuvent plus boire. « Massacreur de la Commune », Galliffet gagne son grade de « Marquis aux talons rouges », en se vautrant avec grâce dans la cruauté. Ces ganaches étaient (comme plus tard Pétain) des baiseurs, ce qui les rendrait d’ailleurs plutôt sympathiques. Mais la canaille ne mérite à leur moustache, que la trique et le sang.

La Canaille, chanson d’Alexis Bouvier sur laquelle s’appuie Emmanuel Bex, date de 1865. Depuis Jules Mercier (La Sainte Canaille, 1832) cent textes inversent l’insulte. Classique. Voir aujourd’hui « racaille » (Sarkozy, Le Pen, Philippot) et « caillera ».

Avant de massacrer sauvagement les Fédérés (semaine du 21 au 28 mai), le gouvernement s’est replié à Versailles – le Vichy d’alors. Thiers, son misérable chef bedonnant, donne son nom ce soir à cent rues dans toute bonne ville de France. On peut le changer : Louise-Michel ou Elizabeth-Dimitrieff feront l’affaire.

Revigorant

Lescot précise : « Avec Bex, nous avons rassemblé de quoi tenir une barricade. Honneur aux femmes : aux côtés d’Elise Caron qui prête sa voix, corps et âme aux héroïnes de la Commune, voici Géraldine Laurent, souffle de mille vents, une dizaine de doigts à chaque main. Et puis Simon Goubert, batteur épique, il parle, il écoute, il raconte, il sait être d’une violente douceur. Rap et slam en bannière, Mike Ladd, sidérant improvisateur. Car la Commune de Paris, affaire de Résistance et de Révolution, fut aussi une grande improvisation. » Un seul chorus d’Emmanuel Bex à l’orgue Hammond expédie la question.

Révolution totale, la Commune – femmes, hommes, enfants, artistes (Courbet), tout le petit peuple de Paris –, exterminée dans ces dernières barricades des rues de Belleville (rue Ramponneau, rue de la Fontaine-au-Roi, rue de l’Orillon), l’ « Est parisien » qui effraie aujourd’hui le bourgeois, se prête probablement à toute sorte d’exaltation pompeuse. Mais apparaître sèchement dans une œuvre (opera) claire comme La Chose commune de Bex et Lescot, en grand respect de la musique et des musiciens, c’est très salutaire et plus que revigorant.

La Chose commune - teaser
Durée : 04:07

« La Chose commune », Espace Cardin Théâtre de la Ville, Jusqu’au 29 avril. Du lundi au samedi à 20h30. De 10 à 26 euros. www.theatredelaville-paris.com