L’analyse des demandes de levée d’immunité par la Commission des affaires juridiques du Parlement européen prend de trois à six mois, mais il est rare que celles-ci soient rejetées. | LAURENCE GEAI POUR LE MONDE

La demande de la justice française de levée de l’immunité parlementaire de Marine Le Pen, dans le cadre de l’enquête ouverte sur des soupçons d’emplois fictifs d’assistants parlementaires du Front national (FN), devait faire l’objet d’une annonce officielle, en séance plénière du Parlement européen, mercredi 26 avril, à 15 heures.

Le président du Parlement européen, l’Italien Antonio Tajani, devait également annoncer la saisine, sur ce dossier, et comme le veut le règlement, de la commission des affaires juridiques de l’institution, compétente en matière d’immunité.

Mais si la procédure s’enclenche, l’examen du dossier de la candidate d’extrême droite à l’élection présidentielle ne devrait pas commencer avant le mois de juin, pour une décision escomptée, au plus tôt, à l’automne, soit après les élections législatives des 11 et 18 juin. L’analyse des demandes de levée d’immunité prend en effet de trois à six mois. Il est rare que celles-ci soient rejetées, le principe étant surtout de ne pas mettre en danger la vie des députés concernés dans leur pays d’origine.

Un processus strictement balisé

Il reviendra donc à la commission des affaires juridiques d’émettre son avis sur la levée de l’immunité dont bénéficie Marine Le Pen en tant que députée européenne, puis de soumettre sa proposition à l’ensemble des députés, pour un vote en séance plénière, escompté en fin d’année. Le processus est strictement balisé : désignation d’un rapporteur ; analyse du dossier transmis par les autorités judiciaires et audition du député ou de la députée concerné(e) ; et, finalement, rédaction d’un rapport en vue d’une adoption par les députés, lors d’un vote public sans débat. Une telle décision, prise à la majorité simple, est à effet immédiat.

La demande visant Marine Le Pen, dont le Parlement européen a accusé réception le 19 avril, doit permettre aux juges d’instruction du pôle financier du tribunal de Paris d’avancer dans l’enquête ouverte en mars 2015 sur des soupçons d’emplois fictifs d’assistants parlementaires européens, employés par le FN.

Les enquêteurs soupçonnent le FN d’avoir cherché à détourner l’argent du Parlement européen au profit de son fonctionnement interne par ces contrats d’assistants parlementaires.

En cas de levée de son immunité, Marine Le Pen serait contrainte de répondre aux convocations de la justice, auxquelles elle a jusqu’à présent refusé de se rendre. Elle risque une mise en examen dans ce dossier pour abus de confiance. Une autre députée européenne FN, Marie-Christine Boutonnet, est elle aussi concernée par cette demande des magistrats parisiens.

Troisième demande de levée d’immunité

Le 22 février, Catherine Griset, la chef de cabinet de l’ex-présidente du FN, a été mise en examen pour recel d’abus de confiance. La justice française lui reproche d’avoir été indûment salariée par le Parlement européen comme assistante parlementaire de Mme Le Pen, alors qu’elle aurait exercé en réalité des fonctions pour le FN en France. Ces accusations sont en partie fondées sur le travail de l’office européen de lutte antifraude (OLAF), qui a communiqué, en juillet 2016, un rapport d’enquête à la justice française.

Selon le code pénal, l’abus de confiance « est le fait par une personne de détourner, au préjudice d’autrui, des fonds, des valeurs ou un bien quelconque qui lui ont été remis et qu’elle a acceptés à charge de les rendre, de les représenter ou d’en faire un usage déterminé ». Il est puni de trois ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende.

Cette demande de levée d’immunité adressée au Parlement européen est la troisième visant actuellement la candidate d’extrême droite. Une première demande émanant de la justice française, liée à la diffusion d’images d’exactions du groupe Etat islamique sur le compte Twitter de la députée européenne à la fin de 2015, a en effet été approuvée le 2 mars.

Une deuxième concerne une affaire de plainte en diffamation déposée contre elle, en 2016, par l’ex-maire de Nice Christian Estrosi (Les Républicains), devenu président de la région Provence-Alpes -Côte d’Azur. Elle est en cours d’examen par la commission des affaires juridiques du Parlement européen.

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