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Pièces à conviction - Médicaments effets secondaires ou mortels
Durée : 00:39

Le 10 janvier 2016, un patient est hospitalisé en urgence après avoir testé un médicament au sein du laboratoire Biotrial. Arrivé au CHU de Rennes, il souffre de désorientation, de troubles de la vision. Soigné dans un premier temps pour ce qui apparaît comme un accident vasculaire cérébral (AVC), ce volontaire tombe très rapidement dans le coma, avant de décéder quelques jours plus tard.

Et cela ne s’arrête pas là. La plupart de ses compagnons d’infortune, qui testaient avec lui la même molécule, sont, par la suite, conduits à l’hôpital, présentant des maux similaires. Ceux-là parviendront à s’en sortir, mais certains d’entre eux continuent aujourd’hui de souffrir de séquelles. Le journaliste Paul Labrosse, qui collabore au magazine « Pièces à conviction », a retrouvé l’un d’entre eux, qui souffre toujours de difficultés d’élocution et de concentration, tandis que son caractère s’est transformé. Pour cause : la molécule qu’on lui a administrée pendant plusieurs jours a attaqué son cerveau, provoquant des lésions.

Tester des médicaments sur des cobayes humains rémunérés est un processus habituel avant la mise sur le marché d’un nouveau produit. Un tel drame est-il cependant un tribut à payer pour les avancées de la recherche médicale ? Ou aurait-il pu être évité ? L’affaire, qui est entre les mains de la justice, pose question. Paul Labrosse note la légèreté dont a fait preuve le laboratoire chargé de cette étude clinique.

Des interviews glaçantes

En témoignent les propos ahurissants tenus, dans le reportage, par son directeur ; celui-ci estimant que les volontaires, après le départ pour l’hôpital de certains d’entre eux, auraient dû s’inquiéter des effets néfastes produits par la molécule testée. Pire encore, certains membres de l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé) se seraient interrogés sur la toxicité de la molécule, après avoir lu des rapports sur les essais sur des animaux.

La molécule testée chez Biotrial ne sera jamais vendue en pharmacie. Mais d’autres affaires récentes, comme celles du Médiator ou de la Dépakine, sont loin d’être rassurantes. L’équipe de « Pièces à conviction » s’est ainsi intéressée au Pradaxa, une molécule disponible en France depuis une demi-douzaine d’années et censée changer la vie de patients souffrant d’une affection cardiaque. Soignés avec de l’anti-vitamine K, ces derniers avaient pour contrainte d’effectuer régulièrement des tests sanguins afin d’adapter le dosage du traitement. Or, Pradaxa leur promettait la même efficacité sans avoir à se plier aux prises de sang. Seulement, il s’est avéré que le Pradaxa pouvait provoquer des hémorragies massives et incontrôlables, pouvant entraîner le décès en quelques heures. Des effets secondaires dont le laboratoire avait connaissance. Au total, ce sont plus de 12 000 cas qui ont été répertoriés à travers le monde, dont 2 300 ont été mortels.

image d’illustration de médicaments dans une pharmacie | © Upside Télévision/France Télévisions

Aucun médicament n’est sans danger. C’est pourquoi les experts, supposés exclure les plus dangereux, s’attellent à mesurer leur risque par rapport au bénéfice qu’ils peuvent procurer. Mais voilà : les médecins – ainsi que le montre l’enquête – sont souvent liés aux laboratoires, soucieux, eux, de vendre ces nouveaux produits. Et les agences nationales ou européennes chargées de contrôler les médicaments ne font pas toujours preuve de la transparence à laquelle est tenu un organisme public. Les interviews avec certains de leurs responsables font froid dans le dos.

Médicaments : effets secondaires ou mortels ?, de Paul Labrosse (Fr., 2017, 52 min).