Le 29 octobre 2010 à Zurich, le président suisse de la FIFA, Sepp Blatter (à droite), est en discussion avec son secrétaire général, le Français Jérôme Valcke. | Alessandro Della Bella / ASSOCIATED PRESS

Après la Suisse et les Etats-Unis, c’est au tour de la justice française de s’intéresser à la Fédération internationale de football (FIFA). Selon les informations du Monde, le parquet national financier (PNF) a ouvert, courant 2016, une enquête préliminaire pour « corruption privée », « association de malfaiteurs », « trafic d’influence et recel de trafic d’influence ». Les investigations concernent l’attribution des Coupes du monde de football 2018 et 2022, respectivement à la Russie et au Qatar.

Dans le cadre d’une demande d’entraide pénale internationale avec la justice helvétique, plusieurs magistrats du PNF se sont rendus en Suisse afin de rencontrer Joseph Blatter, l’ancien patron déchu de la FIFA (1998-2015). Le Valaisan de 81 ans a été entendu jeudi 20 avril, comme témoin. Lors d’une rencontre avec plusieurs agences de presse le lendemain, Blatter avait dit avoir été entendu par les autorités américaines et suisses, précisant « qu’il n’était pas concerné » par la procédure initiée par le département de la justice américaine.

L’entourage de l’ancien président, qui a subi une intervention chirurgicale cette semaine, n’a pas confirmé cette audition par les magistrats du PNF. « No comment », a répondu au Monde Me Lorenz Erni, l’avocat zurichois de M. Blatter.

Le PNF s’intéresse aux protagonistes français

Depuis mars 2015, l’attribution controversée des Mondiaux 2018 et 2022 fait l’objet d’une enquête du parquet suisse. Le ministère public de la Confédération helvétique (MPC) a ainsi relevé, à ce jour, « 152 mouvements financiers suspects ». Douze des 22 membres du comité exécutif, qui ont participé au scrutin d’attribution du 2 décembre 2010, ont été soit suspendus, soit écartés, ou avertis par la FIFA en raison du « Qatargate » ou pour d’autres dossiers.

Le parquet national financier devrait focaliser son attention sur les protagonistes français de l’affaire liée à l’attribution des deux prochains Mondiaux. A savoir le Tahitien Reynald Temarii, ex-membre du comité exécutif de la FIFA, suspendu huit ans pour avoir accepté, en 2010, 305 000 euros du Qatari Mohamed Ben Hammam pour couvrir ses frais de procédure devant les instances disciplinaires de la FIFA ; le Français Jérôme Valcke, ex-secrétaire général (2007-2015) de la Fédération internationale, radié dix ans et sous le coup d’une procédure pénale du parquet suisse pour des soupçons de gestion déloyale et d’autres délits ; et son compatriote Michel Platini, suspendu quatre ans.

Contrairement à M. Blatter, l’ex-président de l’UEFA n’a pas été jusqu’à présent auditionné par le PNF. « Nous n’avons pour notre part pas été contactés à ce sujet », déclare au Monde Me Vincent Solari, l’avocat de M. Platini.

Déjeuner avec l’émir du Qatar

L’ancien numéro 10 des Bleus a notamment participé à un déjeuner à l’Elysée, le 23 novembre 2010, en présence de Nicolas Sarkozy et de l’émir actuel du Qatar, Tamim Al-Thani. Un déjeuner qui est devenu un angle d’attaque pour M. Blatter, soucieux de déstabiliser son ex-dauphin, devenu son adversaire politique. « Il faut bien dire, très amicalement, que Michel Platini, après la réunion qu’il a eue, à Paris, avec le président Nicolas Sarkozy et l’émir actuel du Qatar m’a dit : On m’a demandé de voter pour les intérêts français, et mon groupe ne va pas voter ce qu’on avait tacitement décidé de voter au comité exécutif », confiait au Monde, en décembre 2016, l’ex-président de la FIFA.

« En allant au déjeuner du 23 novembre 2010, où il y avait l’émir actuel, j’ai supputé que le président Sarkozy aurait souhaité que je vote pour le Qatar. Mais il ne me l’a jamais demandé », a répondu dans les colonnes du Monde, en mars, Michel Platini, qui a reconnu publiquement avoir voté pour l’émirat, dès le début de 2011.

Joseph Blatter et Michel Platini font l’objet d’une enquête distincte du MPC pour un « paiement déloyal » de deux millions de francs suisses (1,8 million d’euros) fait, en 2011, par la FIFA du Suisse au président de l’UEFA. L’Helvète est inculpé dans cette affaire, contrairement à l’ancien joueur français, qui a été entendu comme « personne appelée à donner des renseignements » (témoin assisté).

En mars 2016, le PNF avait perquisitionné les locaux parisiens de la Fédération française de football à la demande du MPC, dans le cadre d’investigations sur ce fameux paiement.