La mission se complique pour Jack Dorsey, le cofondateur de Twitter redevenu directeur général en juillet 2015. Au premier trimestre, la plate-forme américaine aux 140 caractères a accusé un repli de son chiffre d’affaires. Une première depuis son introduction en Bourse, en novembre 2013. Sur la période, ses recettes ont reculé de 8 %, à 548 millions de dollars (503 millions d’euros).

« Pour le moment, nous n’entrevoyons pas d’amélioration », a prévenu, mercredi 26 avril, M. Dorsey, en marge de la publication des résultats. Le dirigeant se veut cependant optimiste. Il assure que les efforts entrepris depuis son retour porteront leurs fruits à long terme, mettant en avant la progression de 14 % du nombre d’utilisateurs quotidiens.

Cette première est le résultat d’un long déclin. Depuis des années, la société subit un ralentissement de sa croissance. Au quatrième trimestre 2016, son chiffre d’affaires avait affiché une hausse d’à peine 1 %. D’ailleurs, les analystes de Wall Street s’attendaient à une chute encore plus marquée. Mercredi, l’action de Twitter a ainsi bondi de 8 %. Mais elle n’a qu’en partie compensé le plongeon enregistré depuis février.

Mauvaises performances aux Etats-Unis

Le tableau n’est pas entièrement négatif. Entre janvier et mars, Twitter a attiré neuf millions d’adeptes supplémentaires, pour un total de 328 millions. Si cette amélioration reste modeste – à titre de comparaison, Instagram a annoncé, mercredi, un gain de 100 millions d’utilisateurs en quatre mois à 700 millions –, elle représente la meilleure performance en deux ans. Et, aux Etats-Unis, l’entreprise a connu sa plus forte progression depuis 2014.

Twitter est aussi parvenu à contrôler ses dépenses, qui ont reculé de 10 % sur le trimestre. Cela s’explique par la suppression, fin 2016, de 350 emplois et par le repli des rémunérations en actions des salariés. « Nous avons fait des progrès vers la rentabilité », se félicite M. Dorsey. Le groupe, qui n’a jamais dégagé le moindre bénéfice, a accusé une perte nette de 61,6 millions de dollars au cours des trois premiers mois de 2017.

La contraction du chiffre d’affaires provient essentiellement des mauvaises performances aux Etats-Unis, où les recettes publicitaires ont chuté de 17 %. « De nombreux annonceurs n’ont pas pu justifier leur niveau de dépenses sur Twitter », souligne Brian Wieser, analyste chez Pivotal Research. Le prix des publicités, fixé automatiquement par un système d’enchères, a ainsi fortement baissé au cours des sept derniers trimestres.

Pour attirer à nouveau les annonceurs, le réseau social participera pour la première fois aux Digital Content NewFronts, une série de rencontres organisées début mai à New York entre les groupes Internet, les marques et les agences de publicité. « Quand les prix baissent de 60 % sur un an, cela entraîne une amélioration significative du retour sur investissement », souligne déjà M. Dorsey.

Miser sur le format vidéo

La tâche s’annonce compliquée. Sur un marché qui croît moins rapidement que par le passé, Twitter subit de plein fouet la domination de Google et de Facebook. Selon les estimations de M. Wieser, les deux sociétés ont, en 2016, accaparé 77 % des recettes publicitaires en ligne aux Etats-Unis, contre 72 % en 2015. Et, pour ne rien arranger, de nouveaux acteurs ont émergé, comme Snapchat.

Pour renouer avec la croissance, M. Dorsey a choisi de concentrer ses efforts sur un nombre restreint de formats publicitaires. Il mise en particulier sur les vidéos. « C’est le format qui connaît la plus forte croissance », indique le dirigeant. En 2015, Twitter s’est lancé dans la diffusion d’événements en direct, multipliant les partenariats pour retransmettre des rencontres sportives, des émissions ou des événements d’actualité.

La plate-forme aux 328 millions d’utilisateurs subit la domination de Google et de Facebook

Au premier trimestre, la plate-forme a diffusé huit cents heures de programmes. A terme, son objectif est de proposer des directs 24 heures sur 24. Ces vidéos ont accumulé une audience de 45 millions de personnes, dont 60 % hors Etats-Unis. Elles ont contribué à la forte hausse du nombre de publicités affichées par Twitter (+ 136 % au premier trimestre).

« Pas d’incidence importante »

« Cette stratégie ne devrait pas avoir une incidence importante sur la base d’utilisateurs et sur la monétisation de Twitter », estime Jan Dawson, analyste chez la société de conseil Jackdaw Research. Les doutes ont été renforcés par la perte, début avril, des droits de retransmission de dix rencontres de NFL, le championnat de football américain. « Nous allons continuer à investir de manière significative dans les contenus », promet Anthony Noto, le directeur financier.

Le contrat avec la NFL a été remporté par Amazon afin d’enrichir son abonnement Prime. Le géant du commerce en ligne a laissé sous-entendre qu’il ne pourrait s’agir que d’une première étape. Par ailleurs, Facebook a commencé à diffuser les championnats américain et mexicain de football. Et aurait entamé des négociations avec la MLB (base-ball). Une concurrence que Twitter aura bien du mal à contrer.