Village, mairie et église. Balbronn, Bas-Rhin, 25 avril 2017. | Pascal Bastien/Divergence images pour Le Monde

L’air est froid et humide en ce mercredi matin, de la pluie est prévue pour l’après-midi. Deux amies discutent devant une grosse maison bleue, en face de l’école de Balbronn (Bas-Rhin). La politique ? Elles ne préfèrent pas en parler. « Le vote, c’est secret », sourit Gertrude, qui porte un tablier bleu et une paire de sabots en plastique vert. La maison bleue, construite en 1700 « et quelques », c’est la sienne. Elle y est née il y a soixante-quinze ans. Ses parents étaient commerçants, et cette retraitée se souvient qu’ils « n’ont jamais pris parti pour tel ou tel, ce qui leur a réussi ». Dans ce village de 630 habitants, tout le monde se connaît, la plupart préfèrent rester discrets sur leurs orientations politiques.

Mais Sandra, elle, ne tient pas à garder son vote secret. Au contraire. Elle revendique. « Moi, je suis Marine Le Pen à fond. » La mère de famille de 43 ans habite le centre du village. Dans la boulangerie, qui fait aussi office de bureau de poste et un peu d’épicerie, elle s’explique. Pour l’ancienne foraine devenue musicienne, qui a voté Nicolas Sarkozy en 2012, la candidate du Front national a toutes les qualités : c’est une femme, « ça nous ferait du bien », et puis, elle est « pour nous, les Français ». A l’entendre, le pays est devenu « un vrai ­bordel » et « les Français » sont laissés pour compte, au profit « des étrangers », terme qui englobe pour elle les Français issus de l’immigration.

« A force, on devient raciste »

Déjà, lorsqu’elle faisait les braderies avec son ex-mari, elle avait le sentiment que c’est à eux qu’étaient attribués les meil­leurs emplacements. « Nous, on se retrouvait sur le côté », dit-elle en chassant l’air avec ses mains comme on enfouit la poussière sous le tapis. « Alors, à force, on devient raciste. »

Un visage connu entre dans la boulangerie. Sandra l’invite à prendre part à la conversation. « Je ne préfère pas dire mon vote », décline poliment Claudette. « Moi, ça ne me dérange absolument pas. C’est Marine Le Pen », répète Sandra. « Ah non, ça, c’est pas mon truc ! », répond Claudette en secouant la tête. A 70 ans, cette retraitée est revenue s’installer en Alsace, la terre de ses grands-parents, après une vie en région parisienne. Elle s’étonne d’entendre que « les gens d’ici », qui ont « vécu la guerre », « perdu parfois des membres de leur famille », puissent soutenir le Front national. A l’extérieur de la boulangerie, Claudette regarde droit devant elle, comme si elle cherchait une explication : « Cette dame est jeune, elle n’a pas connu cette période. »

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