Thierry Solère estime que le positionnement de François Fillon pendant sa campagne complique l’appel au vote Macron pour faire barrage au FN. | CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP

Que faire le 7 mai ? Voter pour Emmanuel Macron, Marine Le Pen ou s’abstenir ? Les électeurs de droite se retrouvent en plein dilemme à la suite du naufrage de leur candidat dès le premier tour de la présidentielle. La majorité des poids lourds du parti Les Républicains (LR) – en particulier François Fillon, Nicolas Sarkozy et Alain Juppé – ont beau les appeler à voter en faveur d’Emmanuel Macron, ils ne suivront pas les consignes de leurs chefs les yeux fermés. Un tiers d’entre eux (33 %) se disent prêts à voter pour la candidate d’extrême droite au second tour, contre 48 % pour l’ancien ministre de François Hollande, et 19 % ne se prononcent pas, selon une enquête réalisée par Ipsos dans la soirée du 23 avril.

C’est le signe d’une « porosité de l’électorat LR vers le FN plus forte qu’auparavant », remarque Brice Teinturier, le directeur général de l’institut de sondages. Lors des élections départementales, en mars 2015, ils n’étaient que 30 % à vouloir voter pour la formation lepéniste au second tour face à la gauche si la droite était éliminée au premier.

« La frange dure »

La consigne de vote, formulée par M. Fillon au soir de sa défaite, semble d’ailleurs avoir eu un effet sur ses troupes, en poussant certains, prêts à s’abstenir, à finalement glisser un bulletin dans l’urne pour le candidat d’En marche ! Une semaine avant le premier tour, seuls 42 % des électeurs de M. Fillon déclaraient vouloir voter pour M. Macron au second tour, contre 27 % qui n’exprimaient pas leur choix, d’après une enquête Ipsos-Cevipof. Le taux des électeurs fillonistes souhaitant se reporter sur Marine Le Pen (31 %) était, lui, quasiment le même.

« Ces données illustrent bien le clivage à l’intérieur de la droite », observe M. Teinturier. Elles expliquent la position de certains élus, classés parmi les plus à droite de LR, tels Laurent Wauquiez, Eric Ciotti ou Bruno Retailleau, qui veillent à ne pas froisser les électeurs de droite tentés de voter FN en leur laissant le choix de s’abstenir ou de voter blanc. « Une partie non négligeable des électeurs de Fillon sont prêts à voter FN. C’est logique car avec un score de seulement 20 %, on se retrouve sur la frange dure de l’électorat », analyse M. Teinturier.

De surcroît, le ton populiste et la ligne droitière de la campagne de M. Fillon ont contribué à « radicaliser » les sympathisants, selon les termes employés par M. Juppé, en focalisant le débat sur des thèmes chers au FN, comme l’immigration, la sécurité, l’identité ou la défense des valeurs familiales. De quoi faciliter les transferts. « Les sympathisants et les militants historiques resteront fidèles et ne voteront pas FN car ils savent qu’il en va de la survie de la droite, souligne Valérie Debord, sarkozyste et vice-présidente de la région Grand-Est. Par contre, les Sens commun, les fillonistes les plus radicalisés, ceux qui étaient au Trocadéro, eux n’auront aucun mal à voter pour Marine Le Pen. Ils ne défendent pas la droite mais Fillon, c’est bien ce qu’on leur reprochait pendant la campagne. »

« Emmanuel Hollande »

S’il bénéficie a priori de bons reports de voix, M. Macron ne suscite pas pour autant un enthousiasme débordant chez les électeurs LR. Toute la campagne, ces derniers ont entendu M. Fillon le brocarder en « héritier » du président sortant, au point de le surnommer « Emmanuel Hollande ».

Difficile, dès lors, de les convaincre de soutenir celui qu’on a diabolisé hier, au grand dam du député LR des Hauts-de-Seine, Thierry Solère. « François Fillon s’est renfermé sur une seule catégorie de la droite pendant sa campagne. Ce positionnement, et le fait qu’il a énormément attaqué Macron tout en oubliant Marine Le Pen, nous complique la tâche aujourd’hui pour convaincre nos électeurs de voter Macron pour barrer la route au FN », regrette-t-il.

Même constat de la part du maire de Tourcoing, Gérald Darmanin : « Chez moi, nos électeurs n’ont pas du tout envie de voter Macron car ils sont encore sous le choc de la défaite. Ils sont désemparés et en colère. Cela justifie encore plus la nécessité de leur donner une boussole, en leur disant clairement d’aller voter Macron pour sauver la République. »