Premier contact avec une monoplace d’IndyCar pour Fernando Alonso, le 23 avril à Barber (Etats-Unis). | BUTCH DILL / AP

Il aura suffi que Fernando Alonso parle de « triple couronne » pour remettre au goût du jour ce pari fou, réussi par un seul pilote jusqu’ici, Graham Hill, qui consiste à remporter les trois courses jugées les plus prestigieuses du sport automobile : le Grand Prix de Monaco en formule 1, les 24 Heures du Mans en endurance et les 500 Miles d’Indianapolis en IndyCar.

Il aura suffi que le pilote espagnol annonce sa participation le 28 mai au « Brick Yard », du nom du revêtement originel du célèbre ovale de 4,2 km, pour déplacer le 23 avril, médias et public vers Barber, ville peu connue des Etats-Unis qui accueillait la 3e manche du championnat nord-américain de monoplaces. L’occasion, au passage, de retrouver deux Français qui y excellent dans une quasi indifférence, le Poitevin Simon Pagenaud (Penske Chevrolet), champion IndyCar en titre, et le Manceau Sébastien Bourdais (Dale Coyne Honda) actuellement en tête du général.

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Fernando Alonso à Birmingham, le 23 avril. | Butch Dill / AP

Contre toute logique de classement, c’est Fernando Alonso, 35 ans, qui attirait les jeunes spectateurs de Barber venus demander autographes et selfies. Une incohérence qui agace gentiment les médias locaux. « Il y a eu beaucoup de public pour soutenir le projet de Fernando Alonso de courir les 500 Miles d’Indianapolis. Il a été bien accueilli à tous les niveaux, commente ainsi un journaliste d’Associated Press, qui s’empresse d’ajouter : Je ne suis pas contre » mais relève tout de même le manque d’implication du pilote espagnol dans la promotion du championnat de F1 nord-américain. Avant de faire son mea culpa. Après tout, « Alonso est là pour faire du spectacle », soutenu en cela par le patron de McLaren Zak Brown, puisque la tentative du 28 mai à Indianapolis se fera dans le baquet d’une McLaren-Honda.

Une idée en l’air

Au départ, ce défi n’était qu’une idée en l’air lancée par Alonso à l’issue du Grand Prix de Melbourne à la fin de mars. Il venait d’abandonner à 7 tours de la fin, alors qu’il avait effectué, à ses yeux, « probablement la meilleure course de [s]a vie ». Jusqu’à ce que la suspension de sa McLaren lâche. Le manque de performance et de fiabilité du moteur Honda n’ont fait que s’amplifier au fil des courses : abandon à Shanghaï, abandon à Bahreïn, à deux tours de l’arrivée.

C’est probablement à ce moment-là que Zak Brown a décidé d’encourager son pilote, certes un des mieux payé du circuit, mais certainement aussi le plus frustré. A 35 ans, le champion espagnol veut l’emporter une fois encore, avant de quitter la formule 1 la tête haute.

Cette malchance contribue paradoxalement à la popularité du champion espagnol, toujours accueilli par un groupe de fans à Barcelone, même lors des essais hivernaux, toujours salué en tribune, même lorsqu’il ne boucle pas la course, toujours sympathique aux yeux du public même lorsqu’il critique ouvertement son motoriste, comme lors du dernier Grand Prix de Bahreïn, par microcasque interposé.

Alonso annoncé chez Renault en 2018

Ce n’est pas son palmarès en dents de scie depuis ses deux titres mondiaux qui séduit : quatre deuxième place mondiale, en 2007 (McLaren), 2010, 2012 et 2013 (Ferrari). Idem dans le milieu professionnel. Ainsi, il a laissé de formidables souvenirs chez Renault après deux saisons 2008 et 2009 passées pour une meilleure modeste 5e place au général. Le quotidien allemand Bild du 24 avril annonce d’ailleurs son retour dans l’écurie française dès 2018, en remplacement de Joylon Palmer.

Plus que le pilote convoité, donc, c’est l’homme franc et courageux que les fans viennent encourager. Sa dernière prise de risque, s’aligner en IndyCar, participe à sa légende. L’épreuve, rustique, voit les pilotes s’affronter au volant de monoplaces sans direction assistée, à plus de 350 km/h autour du célèbre ovale de 4,2 km de circonférence, où les monoplaces ont tendance à… s’envoler. Au point qu’en 2015, après cinq accidents spectaculaires survenus lors des essais, les constructeurs ont été appelés à revoir l’aérodynamisme des voitures.

De plus, la « triple couronne » n’a jusqu’ici été conquise que par un seul pilote, Graham Hill, à une époque où les 500 Miles faisaient encore partie du circuit de F1. Le Britannique, double champion du monde (1962 et 1968), quintuple vainqueur à Monaco entre 1963 et 1969, a gagné les 500 Miles dès sa première participation en 1966, mais a dû attendre son ultime tentative de 1972 pour remporter les 24 Heures du Mans, avec comme coéquipier le Français Henri Pescarolo.

Fernando Alonso se prépare avant les 500 miles d’Indianapolis
Durée : 01:06

« Les gens ne se rendent pas compte »

Double vainqueur du Grand Prix de Monaco, Fernando Alonso a choisi Barber (Alabama), pour se familiariser avec l’IndyCar, le 23 avril. Il a alors pu évaluer le chemin qu’il lui restait à parcourir. « Il y a beaucoup de choses à apprendre, les gens ne se rendent pas compte, il y a plein de petits détails quand on pilote à ces vitesses-là [jusqu’à 360 km/h]. Les monoplaces sont totalement différentes, le pilotage sur un circuit ovale requiert une technique différente, un feeling différent que je n’ai pas encore. »

« Il me faudrait deux ans pour faire cet apprentissage si j’étais tout seul ; avec un peu d’aide, cela peut être réduit à six mois. Mais moi, j’ai deux semaines, donc j’ai besoin de beaucoup d’aide », a-t-il déclaré devant un parterre de journalistes qui a salué son arrivée d’un joyeux « Bienvenu en Alabama ! ». A ses côtés, il peut compter sur l’Américain Ryan Hunter-Reay, sur l’ex-pilote japonais de F1 Takuma Sato, ainsi que sur l’expérience du vainqueur Indy 2003, Gil de Ferran.

A Sotchi : voir le drapeau à damier

« Je vais essayer de l’encadrer, de lui apprendre les nuances entre l’Indianapolis 500 et la formule 1 », confirmait le Franco-Brésilien. Un appui qui s’ajoute à celui de Marco Andretti, actuel pilote de l’écurie familiale, qui va préparer la monoplace que pilotera Alonso à Indianapolis dès le 3 mai, avant les deux semaines d’essais libres et les qualifications.

Ce week-end, il se retrouve en piste connue, à Sotchi, pour le Grand Prix de Russie, sur un circuit techniquement assez proche de celui d’Albert Park à Melbourne. En tête, Sébastien Vettel et sa Ferrari vont tenter de creuser l’écart – actuellement de 7 points – avec leurs poursuivants de Mercedes, Lewis Hamilton et Valtteri Bottas. Après sa sortie de piste à Bahreïn, Max verstappen (Red Bull) a lui une revanche à prendre. Chez Renault, on en profite pour mettre à l’honneur le Russef Sergey Sirotkin, qui sera au volant de la RS17 vendredi 28 avril pour la première séance d’essais à la place de Nido Hülkenberg.

Chez McLaren-Honda, l’ambition est plus modeste : voir enfin le drapeau à damier.

Tracé en partie autour du stade olympique de Sotchi, le circuit russe offre deux tronçons d’activation du DRS. | FIA